Littérature étrangère

Gil Adamson

Le Fils de la veuve

CH

✒ Christèle Hamelin

(Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu)

À travers l'histoire d'un jeune garçon futé et épris de liberté, orphelin de mère, fils d'un bandit de grand chemin, Gil Adamson nous offre une odyssée captivante dans les Rocheuses de l'Ouest canadien à l'aube du XXe siècle et livre un palpitant récit d'aventures doublé d'une singulière chronique familiale.

Dix ans déjà que paraissait La Veuve, magistral premier roman de Gil Adamson campé dans les grands espaces montagneux de l’Alberta. Cette veuve, c'est Mary Boulton, jeune épousée, âme en peine aux portes de la folie qui vient de tuer sa brute de mari et n'a d'autre choix que de fuir au cœur des Rocheuses pour échapper à ses deux beaux-frères tout aussi barbares. Dans ce second roman, qualifié de suite autonome par son auteure (qui peut donc se lire complètement indépendamment du premier), la veuve est décédée d'un mal mystérieux et son fils Jack, aux portes de l'adolescence, fruit de ses amours avec Moreland le hors-la-loi, a été confié par son père à une religieuse aussi affectueuse que possessive. Étouffé par tant de sollicitude, profondément rétif à l'éducation, il fuit sa prison dorée pour retrouver la cabane où il a jadis vécu avec ses parents dans un endroit reculé des Rocheuses. Il y attendra son père, William Moreland, dit le Coureur des crêtes, voleur invétéré en perpétuelle cavale qui détrousse à coup de dynamite pour assurer l'avenir de son fils. De fuite il est encore question dans ce texte au carrefour du western et du nature writing, de vies solitaires aussi, les deux allant de pair, existences sauvages à la fois rudoyées et exaltées par la nature toute puissante. Solitudes d'un père et d'un fils qui se rejoignent dans le souvenir et l'amour qu'ils portent à la même femme. Solitude d'une bonne sœur vengeresse prête à tout pour remettre la main sur l'enfant qu'elle avait fait sien. Solitudes choisies d'un ermite indien et d'un ivrogne patenté, sorte de guide touristique pour chasseurs fortunés, tous deux fins connaisseurs de la forêt et protecteurs intermittents du gosse. Solitude contrainte des forçats que croise parfois l'enfant, prisonniers de la Grande Guerre lointaine que ces pauvres hères rendent soudain plus proche et plus réelle. Poète avant d'être romancière, Gil Adamson accorde une grande importance au vivant, la flore, la faune sauvage, aux chevaux également et sur un rythme lent à l'image de cette nature qu'elle dépeint magnifiquement sans toutefois la sublimer, remet l'être humain à sa place, espèce parmi les autres tout au moins au cœur de cette montagne. Sous sa plume exigeante, avare en dialogues, bêtes et hommes prennent corps et l'on sent poindre au fils des pages, derrière ces portraits d'âmes en peine, les prémices d'un dérèglement du monde. Le Fils de la veuve est à n'en pas douter un grand roman et Gil Adamson une immense écrivaine.

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