Jeunesse

Delphine Chedru

Chien rond, chat carré

illustration
photo libraire

Chronique de Aurélia Magalhaes

Bibliothèque/Médiathèque Jean Cocteau (Massy)

Il n’y a qu’un adulte pour penser qu’un livre peut être ennuyeux. Faites le test : donnez un livre à un tout-petit et il trouvera immédiatement mille et une possibilités de jeux. D’ailleurs les auteurs rivalisent de créativité pour proposer aux plus jeunes des livres stimulants.

Ce n’est pas parce qu’un enfant ne sait pas lire qu’il ne peut apprécier les livres, bien au contraire. S’il est vrai que le développement des petits suit des étapes incontournables, il existe maintenant des ouvrages qui permettent de traverser ces étapes sous une forme très ludique. Un des premiers plaisirs qu’offre un livre, c’est une succession d’images toujours nouvelles. Dans Qui se cache sous mon chat ? ou Qui se cache sous mon ours ?, chaque page épouse la forme d’un animal qui en dissimule un autre à deviner grâce au morceau qui dépasse. Cette découpe ingénieuse permet de feuilleter plus facilement le livre tandis que l’anticipation précédant la découverte devient un jeu. Un autre système permet de proposer des surprises dans le livre, tels les flaps, sortes de petites fenêtres cartonnées qui recouvrent une image et font apparaître des images inattendues. C’est à partir de cette idée que Aino-Maija Metsola a travaillé pour Couleurs et Chiffres. Tandis que les flaps font apparaître surprises et contrastes, des questions sont là pour stimuler les lecteurs. Troisième notion importante pour les tout-petits : l’apprentissage des formes. Plutôt que de les juxtaposer page à page, Delphine Chedru avec Chien rond, Chat carré propose deux amis aux lecteurs pour les guider dans leur découverte. À une forme répond un jeu d’observation graphique qui se complexifie à mesure que l’on tourne les pages. Mais l’apprentissage ne s’arrête pas là, puisque des pochoirs offerts avec le livre permettent de mettre en application ce que l’on a compris des illustrations. L’enfant peut explorer physiquement les contours de la forme pour mieux l’assimiler. L’apprentissage par l’expérience, voici aussi ce que propose J’habille les pandas. Par un système d’encastrement formé de trois pièces, les petits sont invités à reconstituer les silhouettes de pandas. Des indices dans la page de gauche les aident à trouver la solution, mais ils peuvent aussi laisser aller leur imagination pour inventer de nouvelles tenues aux personnages. Si ces puzzles stimulent concentration et mémorisation, ils aident aussi à développer le vocabulaire relatif aux vêtements. Plus les enfants grandissent, plus ils sont capables de percevoir la poésie d’un texte qui stimule leur imagination. 4 à 4 en est un bon exemple. Sept animaux apparaissent tour à tour sur une double page. Détails sur l’une, ils occupent la page suivante en entier et, derrière des flaps à soulever en quatre temps, on les découvre dans une action insolite : un crabe à lunettes compte des allumettes et un oiseau avec un chapeau picore une sucette d’escargot… La manipulation du livre en tant qu’objet est une clé pour que l’enfant se l’approprie tout à fait. Cette interactivité est renforcée si on lui propose de participer à l’histoire. Dans la forêt des masques, on découvre que Laurent Moreau a inséré sept masques d’animaux ou de créatures permettant aux enfants de se jouer d’un chasseur qui a eu le tort de se croire le plus fort. Si se déguiser est jouissif, le renversement de perspective entre l’adulte (petit bonhomme noir sur le livre) et l’enfant (magnifique créature colorée) participe du plaisir de lecture. Tous ces livres sont amusants, adaptés aux petites mains pas toujours soigneuses, mais aussi esthétiquement très réussis. Leur vraie force est de mettre au premier plan la manipulation de l’objet par l’enfant. Le livre devient un espace de découvertes incroyables qui, grâce à l’interactivité, stimule l’autonomie et aide à la compréhension du monde.

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