Jeunesse

BONNE NOUVELLE : le documentaire FAIT PEAU NEUVE !

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photo libraire

Par Aurélia Magalhaes

Bibliothèque/Médiathèque Jean Cocteau (Massy)

Après avoir connu un âge d’or dans les années 1980, les collections documentaires semblent désuètes. Internet est passé par-là et l’accès à l’information s’est modifié avec les pratiques culturelles. Les éditeurs ont dû trouver un moyen pour que le livre ne se trouve pas dévalorisé par ce phénomène. Ils ont cherché à publier des ouvrages qui, par leur singularité, apportent aux lecteurs ce qu’aucun écran ne fera jamais.

Quels sont donc ces livres d’un genre nouveau ? D’abord des livres à la forme originale : des objets au contenu stimulant, des docu-fictions dans la mouvance des films documentaires et enfin des ouvrages proposant aux enfants de s’ouvrir sur le monde.

Si les histoires sont essentielles pour développer son imagination, les documentaires n’en sont pas moins importants. Ils sont le moyen de comprendre le monde et d’assouvir sa curiosité.

Dans les années 1980, la production des documentaires explose à la faveur des progrès réalisés dans l’impression des livres. Ces ouvrages sont les héritiers d’un savoir encyclopédique. Il y est hiérarchisé avec plusieurs niveaux de lecture sur une double page.

De tels livres n’ont pu rivaliser avec Internet. Tandis que la Toile propose un accès à l’information dynamique et réactif, ces documentaires donnent du livre une image figée. Leur maquette paraît démodée, la vision du monde y est éclatée, loin des enfants. On assiste alors à un recul de ces livres.

Les jeunes d’aujourd’hui ont des pratiques culturelles variées, le documentaire est concurrencé par la télévision, l’ordinateur, les magazines et autres loisirs. Les éditeurs ont donc cherché de nouvelles voies pour que le livre s’inscrive dans cette révolution culturelle. Il a d’abord fallu s’intéresser à de nouveaux sujets, puis aux pratiques de lecture des enfants : tandis que certains lisent un livre de A à Z, s’identifient à un personnage réel ou non, d’autres recherchent une interaction avec le livre. La lecture répond aux questions qu’ils se posent. Le livre est un objet qui permet de prendre en compte toutes ces mutations. Leurs auteurs y instillent leur sensibilité, si bien que les nouveaux documentaires contiennent une vision esthétique absente des autres modes d’accès au savoir.

Les livres-objets : un accès détourné à la connaissance

Les livres prennent aujourd’hui des formes variées qui montrent que l’on peut lire de plein de manières différentes.Dans Rêves autour du monde (Milan), les plus petits voyagent dans dix des plus grandes villes. En soulevant un volet, ils en découvrent les monuments les plus typiques. Les couleurs douces, le texte empreint de poésie et le côté spectaculaire du livre sont un émerveillement qu’on ne se lasse pas de recréer en le feuilletant.

Les grandes routes (Seuil Jeunesse) présente les cinq axes historiques qui ont façonné les échanges entre les hommes. Chaque route est abordée différemment : sous forme de guide, de carnet de voyage, de journal et au travers de ses héros. Ce livre fascinant aux illustrations chatoyantes, constitue une excellente initiation aux récits de voyage et permet de découvrir l’histoire du monde sous un angle original.Les livres-ateliers abordent différemment le concept de livre-objet. L’écueil à éviter est de proposer un objet qui dévalorise le livre qui l’accompagne. Le livre et le matériel doivent se compléter. Le livret de L’Atelier Tampons (Albin Michel Jeunesse) donne des conseils pour s’initier à la technique de mise au carreau en s’appuyant sur le magnifique Inventaire illustré des animaux. On trouve dans un tiroir de la boîte le matériel nécessaire à la réalisation de cartes. Tandis que Le labo des sciences (Gallimard Jeunesse) propose cinquante expériences réparties en grands domaines scientifiques. Les étapes de réalisation sont clairement expliquées, ainsi que le résultat à observer. On peut extraire un vrai/faux tube à essai de la reliure qui contient de quoi commencer à alimenter son propre petit labo.

Lire et apprendre ne sont pas incompatibles avec le jeu. Alors que l’on propose aux enfants de s’initier aux langues de plus en plus tôt, Le Robert édite un dictionnaire/imagier bilingue accompagné d’un cahier qui permet de mémoriser, par le biais de différentes activités, ce nouveau vocabulaire. Et comme une langue est faite pour être parlée, on trouve également un CD-ROM pour découvrir prononciation ou comptines anglaises.Si l’on considère le jeu comme un moyen d’appréhender la réalité, la série « Si j’étais… », de Larousse, permet de mimer les professions préférées des enfants. Non seulement le livre donne des informations précises sur ces métiers en soulignant le vocabulaire nouveau, mais en plus, on trouve plein de pochettes à ouvrir et d’éléments à découper pour imiter la réalité. En outre, le titre sur le docteur permettra de démythifier cette profession parfois redoutée ou d’expliquer pourquoi on tombe malade.Plus étonnant encore, L’espace (Le Pommier) est un livre-jeu pour les jeunes férus d’astronomie : d’un côté un documentaire coloré et vivant, de l’autre un grand jeu de l’oie à déployer qui permet de réutiliser ses nouvelles connaissances de manière ludique.

Tous ces livres, s’ils sont ludiques, demandent néanmoins une lecture de plus en plus experte. En effet, pour obtenir un résultat, il faut suivre une consigne. Le lecteur entre en interaction avec le livre, ce qui lui permet de devenir autonome dans sa lecture.

Les docu-fictions : de la réalité à la fiction, il n’y a qu’un pas

Contrairement à ce que l’on croit, les enfants ne sont pas tous amateurs de fantasy . Beaucoup préfèrent les témoignages ou les récits de vie avec des personnages auxquels ils peuvent s’identifier. Dans la mouvance des films documentaires, on trouve de plus en plus de livres mêlant information et fiction. Leur intérêt est de permettre de se transposer dans un espace-temps différent, de se le figurer dans un univers cohérent. Ces histoires écrites par de véritables écrivains sont relues par des spécialistes du domaine, gage de leur portée pédagogique sans perdre de leur intérêt littéraire. Ainsi, plaisir de lire et d’apprendre se trouvent habilement mêlés.

Des albums mêlent la petite et la grande Histoire. Par son langage propre, l’illustration complète le texte et lui permet des ellipses. Le bus de Rosa (Sarbacane) met en scène un grand-père et son petit-fils aujourd’hui. Le vieil homme se rappelle le moment où Rosa Parks a refusé de céder sa place dans un bus. Il entend transmettre des valeurs d’engagement et de courage au jeune garçon. L’illustration, hommage au peintre Hopper, possède une réelle force d’évocation.

Les « Romans Images doc » (Bayard Jeunesse) proposent des récits historiques mêlant aventure et pages documentaires pour découvrir le contexte de l’intrigue. Le livre, découpé en chapitres courts, et les illustrations séduiront les lecteurs les plus réticents ainsi que les passionnés d’Histoire.

La collection de biographies « T’étais qui toi ? », chez Actes Sud Junior, permet de revisiter l’histoire sous un angle décalé. Un auteur jeunesse retrace la vie d’un personnage, héros ou non, tandis qu’un illustrateur de BD se charge d’y placer une dose d’humour. Par exemple, Robespierre, acteur incontournable de la Révolution française, apparaît dans toute son ambiguïté et sert de relais pour comprendre cette période historique.

Dans Le Sourire de ma mère (Nathan), le personnage de Caterina, bonne de Léonard de Vinci, sert de prétexte pour évoquer les dernières années du génie. L’auteur replace son œuvre dans son époque et évoque la multitude de domaines artistiques dans lesquels il s’est illustré.

« Mon histoire », chez Gallimard Jeunesse, est une collection de récits se présentant sous la forme d’un journal intime. Chacun traite d’une période charnière de l’Histoire. La forme même du livre rappelle un grimoire ancien, et des pistes en fin d’ouvrage permettent d’aller plus loin dans la découverte de la période traitée. Anne de Bretagne nous renseigne sur la France à la veille de la Renaissance. La force du roman est de mettre en scène une adolescente rebelle dans laquelle peuvent se retrouver les lecteurs.

L’enfant, citoyen du monde

Le documentaire pour enfants doit permettre à ses lecteurs d’exercer leur esprit critique et d’attiser leur curiosité. Certains livres vont à la rencontre d’autres cultures. Aller vers l’autre permet de le comprendre et de faire reculer les préjugés à l’origine d’incompréhensions entre les peuples.

Les enfants du monde racontent… (La Martinière Jeunesse) présente au travers de récits des jeunes confrontés à des conditions de vie effroyables. Ces voix rendent vivants des problèmes complétés par des faits et des chiffres : torture, censure, émigration, etc., et présentent l’action d’Amnesty International depuis cinquante ans.

D’autres livres proposent de découvrir le monde par ses habitants. Par exemple, Le journal de Zoé Pilou (Mango) est un carnet de voyage. La jeune fille découvre Cuba dont sa mère est originaire. Les illustrations, aquarellées comme dans un vrai journal de bord, laissent deviner la beauté du pays et sa vivacité. Pendant des vacances improvisées, la jeune fille va rencontrer pour la première fois sa famille maternelle et approcher les complexités de Cuba.

Si les documentaires du XXIe siècle ont su se démarquer d’Internet, c’est en choisissant de proposer des visions singulières du monde. Les renseignements, s’ils sont exacts, passent par le prisme de créateurs qui ont pour volonté de transmettre un savoir. Lorsque les enfants entrent en interaction avec le livre, ils sont guidés par leur curiosité. Alors l’envie de comprendre va de pair avec l’activité de lecture. De même, l’identification à des personnages ou à des enfants qui leur ressemblent aide les lecteurs à fixer inconsciemment une mine d’informations qu’ils sauront restituer, à notre plus grand étonnement. On peut donc dire que le choix de la subjectivité est un atout : face à une information déshumanisée et pas toujours organisée de manière pertinente sur la Toile, les livres divertissent les enfants en les instruisant. Ils les aident à grandir et à devenir autonome. Lire est une activité enrichissante qu’aucune nouvelle technologie ne peut menacer tant que les adultes qui font les livres continuent à se remettre en question pour apporter le meilleur à leurs lecteurs.