Littérature étrangère

Zadie Smith

Grand Union

illustration

Chronique de Alexandra Villon

Librairie La Madeleine (Lyon)

Après nous avoir habitués à de grandioses fresques aux personnages multiples et aux intrigues baroques, Zadie Smith crée la surprise et s’essaye à une nouvelle forme littéraire en publiant son premier recueil de nouvelles.

Zadie Smith, géniale romancière des temps modernes à la plume revigorante et pleine d’humour, est également enseignante en écriture de fiction, et par là même analyste chevronnée du verbe et de ses ressources. Alors quoi de plus excitant qu’un recueil de nouvelles pour laisser libre court à ses idées, à la manière d’un exercice de style ou d’un laboratoire d’expérimentation littéraire, où l’audace et la liberté, portées par une des voix majeures de la littérature anglo-saxonne, n’auraient pas de limite ? Grand Union porte le nom d’un canal londonien. Un canal qui rassemble, toujours en mouvement, épousant les contours de la ville et reliant à sa manière les espaces et les êtres. Filant la métaphore, Zadie Smith s’amuse à peindre un portrait de notre époque, à travers nos humeurs, nos mœurs, nos souvenirs et nos inquiétudes, en dix-neuf tableaux aussi différents les uns des autres qu’ils témoignent d’un même regard englobant. Et de quoi retourne-t-il ? Difficile de résumer en quelques mots l’éclectisme de ces nouvelles, dont certaines ont déjà été publiées dans des revues ou des journaux tels que The New Yorker, tant elles diffèrent par les sujets, le style ou même le genre littéraire dans lequel elles s’inscrivent. Mais attention ! C’est bien du Zadie Smith : on y retrouve son écriture caustique, parfois tendre, diablement sagace, et l’acuité de son appréciation. Tout y passe ou presque : des nouvelles technologies à l’appartenance raciale et sa réalité – avec en corollaire le métissage –, en passant par la sexualité, la dégénérescence bouleversante du couple, la place des femmes et les questions centrales de l’héritage et de la transmission. Grand Union est un tableau composite qui réussit le pari de raconter par petites touches notre fragilité d’être au monde.

Les autres chroniques du libraire