Littérature française

Boris Marme

Aux armes

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Chronique de Alexandra Villon

Librairie La Madeleine (Lyon)

Aux États-Unis, une fusillade éclate dans un lycée. Face à cette tuerie, l’opinion publique s’embrase et fustige un homme, un policier présent sur les lieux qui n’a pas su réagir. Alors aux armes, que le lynchage commence !

Wayne Chambers n’est pas un héros. C’est un trentenaire à la vie médiocre, satisfait de son rôle tranquille d’adjoint du shérif, responsable de la surveillance d’un lycée américain. Mais ce jour-là, une fusillade éclate dans un bâtiment du lycée et tout s’écroule pour Wayne, premier arrivé sur les lieux. Les secondes durent des heures, mais Wayne reste paralysé à l’extérieur du bâtiment, incapable d’agir et d’accomplir son devoir. Quatorze jeunes sont morts, tués par un de leur camarade qui s’est ensuite suicidé. Un jeune homme au visage angélique, sans histoires, issu d’une bonne famille. Un coupable oui, mais inconcevable. Quand le sang coule, il faut pourtant un responsable. Une vidéo fuite dans les médias, montrant Wayne pétrifié à l’extérieur du bâtiment. Il devient alors la figure publique du lâche. Il devient, pour beaucoup, le coupable. Des milliers de voix anonymes s’élèvent alors dans un grondement de haine irréfléchi et viscéral. Un grondement de bête insatiable, hâtive dans ses jugements, qui se délecte du sang versé, de la réputation assassinée, du passé honteux exhibé. Et ça clic, ça tweet, à chaud et à la va-vite, caché derrière un pseudonyme, un écran, via un sms d’opinion surtaxé. La bête est vivante et nourrie. Elle en voudra bientôt encore. Si le problème des armes à feu est évoqué dans ce roman, en toile de fond, il cible davantage les armes insidieuses et immatérielles que sont les médias et les réseaux sociaux, ces véhicules d’information et d’opinion dont la portée peut devenir incontrôlable et monstrueuse. Boris Marme propose avec ce premier roman brûlant d’actualité, brillant par sa construction, son style impeccable, la justesse de son propos et l’intensité de l’émotion qui s’en dégage, une magnifique œuvre de littérature et de réflexion sur notre époque et ses dérives.

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