Littérature française

Céline Minard

Plasmas

illustration

Chronique de Anne Canoville

Librairie L'Astrolabe (Rennes)

« Pas de début, pas de fin, que du milieu. » avait dit Céline Minard pour qualifier son œuvre, éclectique et protéiforme. Plasmas ne fait pas exception et nous projette au cœur des métamorphoses du vivant.

L’écriture de Céline Minard fait montre d’une constante propension à nous placer au cœur de la vie et du mouvement. Dès le premier chapitre, Plasmas nous propulse in medias res parmi un groupe d’acrobates vêtus de combinaisons électro-organiques connectées visant à récolter des données qui seront reproduites par des entités, les Bjorgs. Ici, même nos repères spatiaux (comme le haut, le bas) nous sont soustraits pour laisser place à une description quasi vectorielle du mouvement des corps et des sensations procurées par leur dynamisme dans l’espace. On songe à l’ouverture des Furtifs d’Alain Damasio ; mais si Plasmas fait aussi appel à l’anticipation, c’est dans un univers beaucoup plus éloigné du nôtre.
Les différents chapitres nous dépeignent, par autant de prismes, un univers où l’humanité est comme dépassée : des humains, il y en a encore, mais leur manière de vivre, de percevoir et d’organiser le monde n’a plus rien d’hégémonique. Ce n’est plus le paradigme dominant, mais un vestige qui surgit de supports virtuels, d’artefacts résiduels, ou dans les références convoquées par l’autrice qui fait volontiers référence à la culture geek.
Avec un style plastique et plein d’énergie, Céline Minard investit tout l’imaginaire scientifique : sa taxinomie, sa logique, ses découvertes et les technologies qui en découlent y constituent un terrain de jeu pour une écriture qui libère toute son inventivité poétique. Dans ce monde « post-humain » prolifèrent toutes sortes d’espèces, héritées des ères passées, fruits d'une évolution à venir ou d’hybridations technologiques.
Cette projection débridée dans toutes les potentialités du vivant inscrit Plasmas dans une veine littéraire écologiste et contemporaine, celle de l'Autobiographie d'un poulpe de Vinciane Despret (Actes Sud), qui nous ouvre à une altérité réjouissante.