Essais

Lucien Febvre , François Crouzet

Nous sommes des sang-mêlés

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photo libraire

Chronique de Raphaël Rouillé

Bibliothèque/Médiathèque de Saint-Christol-lez-Alès (Saint-Christol-lez-Alès)

Enfoui depuis plus de soixante ans, le texte de Lucien Febvre et François Crouzet ne comportait aucun titre. Pensé comme un manuel d’histoire de la civilisation française, ce manuscrit oublié livre aujourd’hui quelques-uns de ses trésors et nous apprend à méditer sur notre histoire immédiate.

Comment des pages d’un papier pelliculé jaune pourraient avoir un intérêt pour le savoir contemporain ? Pour quelle raison éditer un livre d’histoire et de réflexion écrit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui n’a probablement aucune prise sur notre présent ? C’est tout le pari et l’audace de ce livre intitulé Nous sommes des sang-mêlés, coordonné par Denis Crouzet et Élisabeth Crouzet-Pavan qui, dès leur avant-propos, soulignent justement l’éveil qu’un tel ouvrage peut susciter « face aux enjeux du présent ». Écrit à quatre mains, ce texte pose rapidement la question du sang, postulant que le sang ne fait pas l’être et ne fait pas les peuples puisque les rencontres, les interactions ou interconnections et le métissage tiennent une place centrale dans la construction d’une civilisation. Relevant les emprunts et les influences d’une civilisation à l’autre dans le domaine de la nature et de la vie quotidienne, ou dans le domaine de la race et du sang comme dans celui de l’esprit, les historiens finissent par se demander : « Qu’est-ce qu’un Français ? » Nous faisant voyager à la recherche de nos ancêtres, ils dressent un tableau quasi « relationnel » de la France, insistant sur ce qu’elle a donné et sur sa solidarité vis-à-vis de l’Europe. « Aucun peuple, si intelligent, si original soit-il, ne peut vivre sans un recours constant aux peuples qui l’entourent », constatent les auteurs. Rejetant les concepts liés au pur et à l’impur, Lucien Febvre et François Crouzet donnent de nombreux exemples de la diversité de la France, de sa richesse héritée de croisements divers et notent qu’il est bien d’être des sang-mêlés alors même que certains tentent de nous persuader du contraire. Si bien que le récit prend des formes humanistes et puise parfois aux sources de l’anthropologie pour distiller une certaine idée de la France, bien éloignée de la haine et de la barbarie idéologique.

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