Bande dessinée
David B. , Jean-Pierre Filiu
Les Meilleurs Ennemis
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David B. , Jean-Pierre Filiu
Les Meilleurs Ennemis
Futuropolis
15/09/2011
128 pages, 19 €
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Chronique de
Raphaël Rouillé
Bibliothèque/Médiathèque de Saint-Christol-lez-Alès (Saint-Christol-lez-Alès) - ❤ Lu et conseillé par 10 libraire(s)
✒ Raphaël Rouillé
(Bibliothèque/Médiathèque de Saint-Christol-lez-Alès, Saint-Christol-lez-Alès)
En s’intéressant aux relations entre les États-Unis et le Moyen-Orient, David B. et Jean-Pierre Filiu tournent une nouvelle page de la bande dessinée contemporaine, entre réalisme et onirisme, entre audace et épopée historique. Ce premier volet émerveille et captive !
« Une invincible épouvante s’empara de mon cerveau et ne le quitta plus. J’avais le sentiment d’une catastrophe prochaine, et telle que la plus audacieuse imagination n’aurait pu la concevoir », écrit Jules Verne dans Voyage au centre de la terre. Avec David B., on est souvent très proche de l’univers de Jules Verne, entre voyage et exploration. Ici, l’aventure est graphique et historique, et elle nourrit le récit comme des bouffées d’air qui alimentent les poumons. Il y a cette part « d’indicible épouvante » et « d’audacieuse imagination » qui font de chaque case une exploration graphique. Sans limites ni tabous, l’imaginaire de David B. se confronte à l’histoire des relations entre les États-Unis et le Moyen-Orient, accompagné au scénario de Jean-Pierre Filiu, spécialiste de l’islam contemporain et auteur de nombreux livres. Le projet était ambitieux, il est à la hauteur du talent des deux hommes qui, très vite, nous accompagnent au centre de cette guerre. C’est d’abord « la vieille Histoire » qu’ils nous racontent, celle de Gilgamesh et de sa guerre contre le démon Humbaba, détenteur des Sept épouvantes. Peuplée des mondes nocturnes et des mythologies imaginaires qui font la marque de David B., cette première évasion graphique pose les jalons d’une histoire qui se construit dans l’affrontement entre les hommes. Vieille de 2400 ans, cette épopée met en perspective d’autres conflits, comme celui de l’invasion américaine de l’Irak en 2003. L’album montre comment « les cruautés se répondent à travers le temps » et comment la barbarie prend le dessus, happée par un désir de possession ou de domination. De la première intervention militaire des États-Unis en Libye contre la puissance « barbaresque », au coup d’État américain en Iran en 1953 contre Mossadegh, l’ouvrage balaye plus de 150 ans d’Histoire avec une facilité déconcertante et un foisonnement graphique qui prend du relief et redouble d’inventivité à chaque planche. Avec un humour souvent très noir, David B. s’amuse malicieusement à couper des têtes, à empiler des corps, à les mettre à l’envers, à les déformer, à les ridiculiser souvent. Par le dessin, il fustige la cupidité humaine, la barbarie, la terreur et la bêtise. Ce « rire de tête de mort » provoque un double sentiment, allant du ridicule au malaise. Comme dans le Voyage de Jules Verne, cette indicible épouvante s’empare de notre cerveau et ne le quittera plus.