Beaux livres

Bruno Fuglini

Les Frasques de la Belle-Époque

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photo libraire

Chronique de Raphaël Rouillé

Bibliothèque/Médiathèque de Saint-Christol-lez-Alès (Saint-Christol-lez-Alès)

Tandis qu’en 1863 sortait le premier numéro du Petit Journal, avec son actualité politique, ses rubriques récréatives et ses feuilletons, ces dernières décennies ont continué à livrer leur lot de dessins engagés, sources épisodiques de scandales. Entre passé et présent, deux ouvrages explorent le monde de la presse et sa prise de pouvoir.

Dans Les Frasques de la Belle Époque, Bruno Fuligni a choisi, à travers plus de 150 gravures reproduites dans leur format original, de retracer l’histoire du Petit Journal, fondé par Moïse Polydore Millaud. Avant d’être rattrapé par la censure dès les débuts de la guerre de 1914, le Petit Journal a enchanté ses lecteurs par sa liberté de ton, son goût de l’excès et les unes saisissantes du supplément illustré. Le superbe travail de Bruno Fuligni restitue l’ambiance de l’époque, et c’est un peu comme s’il ouvrait une énorme malle aux trésors ensevelie sous la poussière, mais dont le contenu aurait conservé tout son éclat, ses couleurs, ses histoires truculentes et ses faits divers sordides. Ces « Nouvelles d’un monde disparu », comme il les nomme, ont conservé leur pouvoir d’attraction et de fascination. Provoquant une véritable révolution en 1890, les images en couleurs émerveillent et captivent. Avec la naissance le 29 novembre 1890 du Supplément illustré, c’est toute l’actualité qui prend vie. Très sagement, d’abord, avec le portrait du président de la République Sadi Carnot, première une en chromotypographie ; de manière plus sensationnelle ensuite, avec « La Malle sanglante de Millery », ce fait divers qui a tenu en haleine la population française. Au fil des pages, nous découvrons les fameuses unes commentées et illustrées : les attentats anarchistes avec l’arrestation de Ravachol, l’affaire Dreyfus et ses différents épisodes, la chaise électrique aux États-Unis, les faits divers animaliers, la conquête des Pôles, ou encore les nombreux crimes et cambriolages de l’époque. Détrôné par la photographie, racheté à maintes reprises, concurrencé, le Petit Journal va peu à peu perdre de son originalité, avant de s’éteindre en 1944. Mais il aura pendant longtemps égayé et dynamité les lectures de nombreux Français. En faisant le choix de présenter quelques-uns des meilleurs dessins de presse internationaux de 1989 à nos jours, Jean-Christophe Victor propose une vision plus moderne, celle du dessin subversif, qui mêle l’humour à l’exigence artistique et à l’intelligence. Dans Un œil sur le monde, le créateur du Dessous des cartes (Tallandier), expert en géopolitique, réaffirme le nécessaire pouvoir de la liberté, expression non négociable de la démocratie. Sans tomber dans la polémique, il commente et décrypte 250 dessins, de Salman Rushdie par Cajas, en Équateur, pour Les Versets sataniques, à François Hollande par Mix & Remix, en Suisse, au sujet de son élection à la présidence de la République française. Un tour d’horizon international qui témoigne de la vivacité et de la puissance du dessin de presse, dont le pouvoir fascine autant qu’il dérange.

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