Léopard noir, loup rouge

Avant l'arrivée des hommes blancs, dans un Continent Noir rêvé peuplé de mille créatures changeantes et terrifiantes, Pisteur a le don du nez. Capable de retrouver un ennemi ou une bête à des kilomètres durant des jours, c'est aussi un grand raconteur d'histoires qui, dès la première scène en prison, embarque le lecteur dans une épopée mythique. Il rencontre Léopard, chasseur métamorphe dont il tombe follement amoureux et qu’il aide à sauver des mingis, enfants albinos recherchés pour leur peau magique. Aux prises avec des démons trop forts pour lui, il est souvent repoussant, aimant et tuant à la fois, brinquebalé de quête en quête, toujours prêt à aider, souvent manipulé. Il n'est qu'un caractère majeur parmi une infinité de personnages, ambigus, souvent violents mais qui fascinent comme rarement. Leur monde est sensuel, viscéral, plein d’un quotidien sale de substances diverses et d'humanité dégueulasse. Sans répit, brutale et imaginative, l'écriture sort les tripes et fait de chaque aventure un plaisir d'immoralité. Marlon James, auteur jamaïcain du déjà remarquable Brève Histoire de sept meurtres (Albin Michel et Le Livre de Poche) voulait mettre en scène le folklore et l'histoire africaine. Mêlant des influences variées, réutilisant contes de griots, lieux et objets des royaumes antiques, il anime une saga d'une épaisseur monumentale. Comme chez Tolkien, le lecteur a besoin de prendre son temps, de naviguer parmi les références, d'accepter de se laisser perdre parfois, pour mieux embrasser la largesse de ce monde. Premier volume d'une trilogie, ce fut un coup de tonnerre dans le monde anglophone, bouleversé par ce texte politique et courageux. Léopard noir, loup rouge est d'ores et déjà un géant en fantasy, une ode merveilleuse à la Grande Afrique, un chef-d’œuvre d'imagination, de violence, de fureur et de grâce.