Essais

Doris Lessing

Le Temps mord

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photo libraire

Chronique de Géraldine Huchet

Pigiste ()

On ne présente plus Doris Lessing, Nobel de Littérature en 2007, grande dame des lettres et militante, auteur notamment du célèbre Carnet d’Or . Mais vous allez découvrir une autre facette de son œuvre..

Car en marge de ses romans, elle a publié un grand nombre d’articles et de préfaces, le plus souvent en rapport avec la littérature, qui paraissent aujourd’hui en recueil. Les passionnés de l’œuvre de Lessing retrouveront des thèmes familiers : les écrivains, l’Afrique, le militantisme politique et féministe, le soufisme… mais développés de façon plus inattendue. Quant aux autres, parcourir ce livre et s’arrêter sur un essai au gré de ses envies constitue également une belle porte d’entrée dans l’univers de cette grande écrivaine. Qu’elle se penche sur les classiques (Stendhal, Jane Austen, Tolstoï, etc.) ou les moins connus (Olive Schreiner, Richardson, Jaan Kross, par exemple), son analyse est toujours fine et son ton passionné – et passionnant. On a l’impression, à la lire, de converser avec une amie cultivée. De 1972 à 2003, on suit ainsi avec gourmandise ses prises de position, ses désirs, ses déceptions aussi. Elles est capable de passer sans transition de l’art de réaliser une biographie à son amour des chats, de sa détestation de Mugabe à sa collaboration fructueuse avec le compositeur Philip Glass. Mais, toujours, comme une sorte de fil rouge à tous ces essais, l’importance du livre et de la lecture, tout le temps, partout : Lessing rend ainsi un très bel hommage à tous ces professeurs qui ont su passionner des générations d’élèves en leur donnant le goût de lire. « Il est étonnant de constater que le Zimbabwe, après vingt ans d’un gouvernement qui a sevré de livres les écoles et les bibliothèques, soit rempli de gens assoiffés de lecture. À leurs yeux, les livres sont la clé d’une vie nouvelle. » Pour elle, qui a très vite compris que lire et, plus tard, écrire, était vital, il est absolument nécessaire que l’homme continue à se cultiver et à transmettre son savoir. Le temps passe, il mord même parfois, mais la vieillesse « donne aux souvenirs une vie nouvelle » , nous dit Lessing : la lire est en tout cas revigorant, et on ne peut qu’admirer l’énergie qui se dégage de ces pages.