Essais

Alain Badiou

La République de Platon

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photo libraire

Chronique de Christine Lechapt

Librairie Maison du livre (Rodez)

Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, Alain Badiou n’en finit pas de nous surprendre. En procédant à une réécriture de La République de Platon, il nous incite à revisiter ce grand classique de façon totalement inhabituelle.

Ce travail lui aura pris six ans, six années de dur labeur pour donner sa propre version d’un des plus illustres textes de la philosophie. L’intérêt d’Alain Badiou pour La République de Platon ne date cependant pas d’hier puisqu’il l’étudiait il y a déjà cinquante-quatre ans ! Avant la moindre amorce d’écriture, il a tout d’abord procédé à une relecture particulièrement minutieuse de l’œuvre, telle qu’elle fut publiée en 1949 aux éditions Belles Lettres dans la très célèbre collection Budé. Il a cherché à en comprendre tous les mots, tous les dialogues. Afin d’illustrer son point de vue, il a commencé par réorganiser le texte : à l’origine, celui-ci était divisé en dix livres, au final celui de Alain Badiou comporte un prologue, seize chapitres et un épilogue. Il a éliminé certains dialogues qui lui paraissaient traîner en longueur et peu intelligibles, et a changé certains noms. Mais il a surtout eu recours à des illustrations anachroniques pour étayer son propos. Ainsi, vous serez surpris de ne plus retrouver le célèbre « Mythe de la caverne », puisque Alain Badiou l’a remplacé par l’image subtile de spectateurs dans une salle de cinéma, beaucoup plus moderne et beaucoup plus parlante pour notre époque. Même chose pour les guerres qui ravagèrent le monde grec, qu’il préfère remplacer par la Première Guerre mondiale ou la Commune de Paris. Vous l’aurez compris, c’est un classique largement revisité que l’auteur nous livre ici, même si le « style Platon » est toujours bien présent. Cette version, vous vous en doutez, sert allègrement les idées politiques de l’auteur, mais que l’on soit d’accord ou non avec son argumentation, c’est à un incroyable exercice de style que nous convie ici Alain Badiou. Un exercice dont il sort largement victorieux. Preuve, s’il en fallait, que La République de Platon est toujours d’une incroyable modernité et qu’elle n’en finit pas, malgré les siècles, de faire couler de l’encre.

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