Polar

Víctor del Arbol

La Maison des chagrins

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photo libraire

Chronique de Renaud Junillon

Librairie Lucioles (Vienne)

Avec La Maison des chagrins, VÍctor Del Árbol s’impose comme l’une des voix les plus captivantes de la littérature policière actuelle. Il s’inscrit aussi dans cette grande tradition du roman noir qui place les traumatismes de l’être humain au centre des préoccupations littéraires.

Pénétrer cette Maison des chagrins, c’est vivre aux côtés de personnages pour qui la perte, le deuil ou les erreurs du passé sont autant de blessures à jamais douloureuses. Et à trop vouloir les apaiser, les personnages empruntent des chemins incertains, les amenant à leur perte. Si le destin est souvent cruel, la haine est toujours intense. Telle était la morale de La Tristesse du samouraï (Babel, 2013), le précédent polar de Víctor Del Árbol, qui évoquait les fantômes de l’Espagne franquiste hantant aujourd’hui encore les jeunes générations ; et telle est la philosophie des habitants de cette Maison des chagrins. Rongés par la culpabilité, le remord et la vengeance, ils se débattent avec un destin que la structure narrative du roman, habile et complexe, rend inexorable. Ainsi Eduardo, peintre autrefois coté, vient de purger quatorze ans de prison pour le meurtre du chauffard qui avait tué sa femme et sa fille. Acceptant l’énigmatique commande d’une célèbre violoniste endeuillé par la mort de son fils – réaliser le portrait, non de son fils, mais de son meurtrier –, Eduardo ne se doute pas qu’il vient de convoquer une galerie de personnages qui s’acharnent coûte que coûte, entre violence et vieux démons, à suivre les voies d’une rédemption impossible. Parmi eux, un riche homme d’affaires anéanti par la disparition de sa fille, un mystérieux Algérien expert dans l’art de la guerre, un ancien des services de police de Pinochet, un jeune Chinois à la beauté troublante, un mafieux arménien… Autant de pièces d’un échiquier infernal. Víctor Del Árbol compose une tragédie des temps modernes, un roman-chorale d’une humanité remarquable doublé d’une réflexion sur l’art et son pouvoir de transcendance. Une réflexion qui résonne de manière particulière quand on sait que cet auteur de polar travaille pour les services de police de la communauté de Catalogne.