Littérature française

Sophie Bassignac

La Distance de courtoisie

✒ Murielle Gobert

(Librairie Passerelles, Vienne)

Dans ce nouveau roman, Sophie Bassignac oscille entre le burlesque et le réalisme, le grave et le léger, dans un équilibre fragile, au charme puissant, qui nous réjouit et nous émeut comme le mariage improbable, mais savoureux, d’une peinture de mœurs et d’un vaudeville !

La distance de courtoisie est cette expression, un brin désuète, qui désigne un espace nécessaire entre les gens dans les lieux publics, et qui résonne particulièrement aujourd’hui. Est-ce parce que nous sommes devenus incapables de respecter l’intimité ou, au contraire, que nous ne savons plus être proches les uns des autres ? Et cet espace est-il notre force ou notre plus grande faiblesse ? Vaste sujet que Sophie Bassignac déroule dans ce roman avec la malice et le brio des élèves surdoués. Parlant d’art sans être snob, tendre sans être mièvre, drôle sans caricature, elle atteint une sorte de perfection fragile, inspirée, qui résiste de bout en bout sans fausse note et nous dévoile sous le vernis de l’humour un tableau de notre monde d’une justesse déconcertante. Ici, rien n’est vraiment grave, mais tout est important, comme dans les vaudevilles réussis où les vies se font et se défont au détour d’un bon mot, d’une situation loufoque ou d’un dénouement inattendu. Sur la scène provinciale d’un musée local, une toile de maître disparaît à la barbe du personnel, le soir d’une exposition cruciale pour la renommée de l’établissement. L’incident met en émoi la conservatrice, son équipe de bras cassés, les services de police, et va provoquer une onde de choc qui se propage de chapitre en chapitre, et chamboule en les entremêlant les existences des personnages. Sophie Bassignac manie la fantaisie avec finesse pour toucher du doigt l’intimité de chaque être, ses obsessions, sa poursuite de l’amour qui, dans ce roman prend, quand on y regarde bien, de multiples visages. Failles, fêlures, petits et grands désespoirs, tout se résout sous la plume élégante de l’auteure qui plonge profondément en chacun et explore avec délicatesse cette zone trouble qui le sépare des autres, mais croque sans pitié, avec une ironie mordante tout un « petit monde » qui ressemble étrangement au nôtre !

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