Littérature française

Françoise Giroud

Françoise Giroud vous présente le Tout-Paris

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photo libraire

Chronique de Géraldine Huchet

Pigiste ()

Les trois livres se complètent, dévoilant chacun à leur manière les facettes de cette femme célèbre et cependant discrète, avare de confidences, se livrant peu. Mais n’est-ce pas un peu d’elle-même qu’elle dévoile en rédigeant la cinquantaine de portraits d’acteurs, d’écrivains ou d’hommes politiques parus dans France-Dimanche il y a un demi-siècle ? Un style incisif, drôle et souvent vachard : « Voulez-vous faire, aujourd’hui, connaissance avec Danielle Darrieux ? Autant essayer de vous lier avec un poisson rouge », qui lui valut quelques inimitiés. Mais sous la plume affûtée de la journaliste palpitait un cœur de midinette, perceptible dans certains de ses portraits qui sont également de jolis exercices d’admiration : « … il y a dans ses yeux bleus tout le soleil du monde », écrit-elle ainsi à propos de Jean Renoir, dont elle fut la script-girl sur le tournage de La Grande Illusion. C’est une face bien plus sombre de sa personnalité que vous découvrirez en lisant Histoire d’une femme libre, premier essai autobiographique de Giroud, écrit en 1960 (elle a alors 44 ans) et resté inédit jusqu’à aujourd’hui ; Jean-Jacques Servan-Schreiber, son amant, vient de la plaquer et de la virer sans ménagement de L’Express, qu’ils avaient fondé tous les deux en 1953. C’est un texte pudique et d’une grande clairvoyance sur son enfance, son caractère et l’homme de sa vie. Elle profite du calme et de la solitude de la maison de campagne de Pierre et Hélène Lazareff pour se raconter, écrire les blessures de jeunesse (le père mort trop tôt, la mère toujours fauchée, les injustices du pensionnat), sa volonté d’être indépendante en prenant des cours de sténo à 14 ans, ses débuts dans le cinéma, puis dans le journalisme. Et c’est peu de dire qu’elle ne se ménage pas ! « Coupable d’être fille, rebelle aux pouvoirs », elle fait le bilan, dissèque sa passion amoureuse, se fait même par moments moraliste en tentant d’analyser son parcours : « j’ai peut-être écrit des choses mauvaises, fausses, je n’ai peut-être pas su exprimer ce que je pensais, j’ai peut-être mal pensé, mais je n’ai rien eu à concéder. » C’est Alix de Saint-André, amie de Françoise, malgré les quarante années qui les séparent, qui, enquêtant sur des zones d’ombre (notamment son refus d’admettre sa judéité) a découvert ce manuscrit au milieu de cartons d’archives conservés à l’Imec. C’est donc à elle qu’on doit cette publication, tout comme le passionnant récit qui l’accompagne : Garde tes larmes pour plus tard. Bien plus qu’une biographie, en effet, c’est le récit vif et plein de rebondissements de leur drôle de rencontre (Alix, jeune journaliste à Elle à l’époque, était venue l’interviewer, bien décidée à ne pas la ménager !), de leur belle amitié et de cette quête de la vérité d’une femme pétrie de contradictions. La pétillante écrivaine se prend littéralement pour Sherlock Holmes, débusque de faux papiers, retrouve des témoignages sidérants et nous embarque en sa compagnie pour retrouver « sa » Françoise, devenue aussi un peu la nôtre.