Littérature française

Laurent Petitmangin

Ce qu'il faut de nuit

illustration

Chronique de Coralie Sécher

Librairie Coiffard (Nantes)

Le premier roman de Laurent Petitmangin, Ce qu'il faut de nuit, sort en format poche après une année et demie de vie en grand format. L'occasion, pour un autre lectorat, de découvrir cette histoire baignée d'intimité qui nous conte les liens entre trois hommes : un père et ses fils.

Lors de sa sortie en grand format, en 2020 à la Manufacture de livres, votre premier roman, Ce qu'il faut de nuit, a été rapidement repéré par les libraires et la presse. Pouvez-vous nous raconter l'histoire de ce roman et son parcours avant d'arriver en librairie ?

Laurent Petitmangin - C’est un texte écrit assez rapidement. Parti d’une question : des parents peuvent-ils être déçus par leurs enfants ? Ce roman n’est pas autobiographique, mais à l’image de nombreux parents, j’ai projeté (et je projette encore beaucoup !) sur mes enfants. Alors cette interrogation : que se passe-t-il quand ils ne suivent pas le « plan de marche » escompté, quand cet ordonnancement savamment travaillé, souvent idéalisé, déraille même totalement ? Est-ce que l’amour reste, malgré tout ? Ce qu’il faut de nuit, c’est aussi une rencontre, celle de Pierre Fourniaud, l’éditeur de la Manufacture de livres. Une rencontre qui aurait pu ne pas se faire. Ces fameux riens qu’évoque le livre ! Il m’a d’abord lu grâce à un autre texte, Ainsi Berlin. Il n’est venu à Ce qu’il faut de nuit qu’en deuxième temps.

 

Votre roman raconte une histoire familiale et l'amour d'un père pour ses fils. Pourquoi cela vous a-t-il semblé nécessaire de parler de cette sphère de l'intime ? Et pourquoi, à votre avis, vos personnages sont-ils si touchants ?

L. P. - Ils sont et restent à hauteur d’homme. Ils sont pleins de courage et de faiblesse. Comme chacun d’entre nous. Cette sphère, très resserrée sur trois personnages, tient à la scène d’introduction : un père regarde son fils jouer au football, un dimanche matin. Une scène que j’avais en tête depuis bien longtemps, où je voulais exprimer le contentement simple de cet homme accoudé à la main courante du stade. Où rien d’autre n’est nécessaire à son bonheur. Le texte démarre ainsi sur ce couple, puis j’ai imaginé, pour tendre davantage les sentiments, un second fils, qui allait « réussir », en contraste avec son aîné. Je préfère travailler sur des nombres impairs de personnages, pour le déséquilibre et une plus grande richesse d’interactions. Je crois que les lecteurs peuvent être également sensibles à la « musique du hasard », pour reprendre le titre magnifique de Paul Auster. C’est ce à quoi nous sommes confrontés tous les jours, malgré notre désir le plus cher et nos efforts d’être maîtres de notre destin.

 

Ce roman est aussi celui des équilibres qui se fissurent et de la confiance qui vacille. Il semble que ces failles reflètent certains combats contemporains.

L. P. - Oui, elles disent l’espoir qui demeure. Et ne sait pas toujours comment s’exprimer. Elles disent aussi la fatigue. Les systèmes plus flous, moins binaires, plus ambigus qui déconcertent le narrateur. Elles questionnent l’attachement aux valeurs, la fidélité à nos convictions.

 

La sortie d'un roman au format poche lui offre souvent une nouvelle vie, un nouveau lectorat. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle édition ?

L. P. - Je vais fâcher Pierre Fourniaud, mais j’ai ressenti une émotion encore plus forte au moment de ranger dans ma bibliothèque Ce qu’il faut de nuit en poche que celle, pourtant déjà incroyable, que j’ai vécue il y a un an et demi ! C’est un plaisir, une fierté, la réalisation d'un désir qui remonte très loin, presque à l’enfance, de se dire qu’on sort en poche !


À propos du livre
Ce qu'il faut de nuit raconte le quotidien d'une famille modeste en Lorraine. Le père élève seul ses deux garçons après la longue maladie de leur mère. Il milite au sein du Parti socialiste depuis toujours et y discute, avec ses camarades de moins en moins nombreux, de sujets qui sont toujours un peu les mêmes. Ils préparent encore quelques tracts à distribuer, discutent des grandes idées de toujours. Le dimanche, c'est toujours la même rengaine : matchs de foot de Fus, l'aîné, qu'il pleuve ou qu'il vente, observé de l'autre côté du garde-corps par sa famille. Les garçons grandissent et deviennent presque des adultes. Petit à petit, les convictions du père et de l'aîné prennent des chemins qui diffèrent et s'accordent peu. Leur relation va se distendre et se fragiliser au fil de l'affirmation des convictions du fils. Ce qu'il faut de nuit raconte ces liens qu'on aimerait ne jamais briser et les failles familiales qui entraînent la désillusion.

Les autres chroniques du libraire