Littérature étrangère
Michael Cunningham
Un jour d'avril
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Michael Cunningham
Un jour d'avril
Traduit de l'anglais (États-Unis) par David Fauquemberg
Seuil
19/08/2024
320 pages, 22,50 €
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Chronique de
Margot Bonvallet
Librairie Passages (Lyon) - ❤ Lu et conseillé par 12 libraire(s)
✒ Margot Bonvallet
(Librairie Passages, Lyon)
Après presque dix ans de silence, Michael Cunningham, inoubliable prix Pulitzer de la fiction en 1998 pour Les Heures, nous revient avec toute sa finesse, sa clairvoyance et son élégance, avec Un jour d’avril, son huitième roman.
Un jour d’avril reprend la structure en trois temps des Heures mais en temps plus rapprochés. En effet, cette chorale de voix intérieures se développe sur trois années consécutives ‒ 2019, 2020 et 2021 ‒ toujours le 5 avril, d’abord le matin puis l’après-midi et enfin le soir. Chacune des parties pose un décor : Brooklyn aux premières lueurs, l’Islande au zénith de la crise et enfin une campagne américaine au crépuscule. Avant, pendant, après la pandémie du Covid-19. Nous suivons cinq membres d’une famille : un couple à l’entente apparemment cordiale, leurs enfants, un oncle homosexuel, un frère artiste et enfin une intello lesbienne à laquelle le frère a donné son sperme. Les trois années défilent tout en nuances et en ellipses. Le vieillissement, avec son cortège de séparations et la sensation d'inutilité qui en découle, reste une préoccupation constante. Nous regardons en face la perte des espérances, le déclin vers le sombre et, malgré tout cela, la persistance du désir. En quelque 300 pages, chacune et chacun change, évolue, bouge. Les couples se font ou se défont, les enfants grandissent jusqu’à peut-être la mort d’un des personnages. Et c’est non sans une fine abstraction poétique que la question se pose, elle aussi : où et comment faire son deuil ? Et le deuil de quoi ? Capter les âmes avec encore des étincelles de tendresse est l’art de l’auteur : dire simplement, sans fioritures et d’un regard empreint d’humanisme, la lutte contre le désespoir par la seule force de la volonté. Une façon de saisir le bouleversement des relations familiales et sociales pour ainsi affronter une nouvelle réalité. Car quand tout se fissure s’ouvre un autre possible, pour peut-être tout reconstruire, reconfigurer, plus sincèrement, plus justement, si on parvient à l’accepter.