Polar
Chris Whitaker
Toutes les nuances de la nuit

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Chris Whitaker
Toutes les nuances de la nuit
Traduit de l'anglais par Cindy Colin Kapen
Sonatine
06/03/2025
816 pages, 25,90 €
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Chronique de
Fabienne Boidot-Forget
Librairie Le Bruit des Mots (La Flèche) - ❤ Lu et conseillé par 16 libraire(s)

✒ Fabienne Boidot-Forget
(Librairie Le Bruit des Mots, La Flèche)
Trois ans après nous avoir fait chavirer avec Duchess, l’écrivain britannique Chris Whitaker revient avec un roman noir exceptionnel dans lequel il ouvre pour nous les fenêtres de l’âme humaine.
L’histoire commence en 1975 dans une bourgade paisible du Missouri, Monta Clare, où vivent Patch et Saint, tous deux âgés de 13 ans, confrontés à un début de vie difficile. Patch grandit auprès d’une mère dysfonctionnelle. Borgne, il porte un bandeau de pirate, comme ceux qui peuplent son imaginaire et ses rêves. Saint, orpheline élevée par sa grand-mère un peu dévote, élève des abeilles dans son jardin. Tous deux sont persuadés que leur amitié indéfectible leur permettra d’affronter le reste du monde. Jusqu’au jour où Patch, tentant de secourir une jeune fille victime d’un prédateur, va être enlevé et disparaître. Pendant près d’un an, Saint n’aura de cesse de chercher son âme sœur, de s’immiscer dans l’enquête. Une fois posées les bases de son histoire, c’est dans un véritable labyrinthe que Chris Whitaker nous fait pénétrer. Il nous entraîne dans un périple vertigineux qui se déroule sur près de trente ans dans une Amérique remarquablement décrite. Comment déterminer le genre littéraire de Toutes les nuances de la nuit ? Un thriller, oui certainement, puisque la résolution de l’enlèvement de Patch est présente tout au long du roman. Que lui est-il arrivé pendant cette année où il a disparu ? Le sait-il lui-même ? Le mystère profond nous tient en haleine avec des retournements de situation imprévisibles. Mais nous sommes aussi dans un grand roman d’amitié car l’auteur décrypte à merveille la force de ce lien qui se tisse pendant l’enfance et dont il est impossible de se défaire. On pourrait aussi parler de saga familiale puisque les liens familiaux, tous cabossés soient-ils, sont au cœur du récit. Roman d’apprentissage également où l’art occupe une place essentielle. Roman d’amour enfin, l’amour dans ses balbutiements, ses désillusions, ses absolus. Chris Whitaker ne se contente pas de jouer avec nos nerfs, il nous plonge au cœur de l’âme humaine et de ses obsessions, ses noirceurs, ses passions avec une construction et un parti pris stylistique qui sont loin d’être anodins : les personnages que l’on croyait secondaires se révèlent décisifs ; des chapitres courts, entre deux et quatre pages, se succèdent à un rythme d’enfer, totalement addictif, rendant impossible l’arrêt de la lecture tant que l’on n’est pas allé au bout de l’histoire. On saluera par ailleurs le travail sensationnel de la traductrice Cindy Colin Kapen. Il faut un immense talent pour livrer un roman de cette ampleur avec des personnages inoubliables, des émotions qui vous percutent tout au long de la lecture et des rebondissements imprévisibles. Il en faut encore davantage pour préserver l’émerveillement du lecteur pendant plus de 800 pages.