Secrets

« Il y a parfois plus de vérité dans un mensonge que dans la réalité. » Lorsque le mensonge émerge – et il émerge toujours, tôt ou tard –, il ébranle tout. Les histoires bien rangées, ou confinées, tassées, contenues, ignorées, rendues à une inexistence… ces histoires-là, soudain, rejaillissent au détour d’une mort ou d’un deuil. Et les désordres, les rivalités du passé refont surface. À la mort de son père, Yeongjun revient à K, sa ville natale. L’homme, taciturne et désabusé, devenu cinéaste, retourne pour la première fois, vingt-cinq ans plus tard, dans la ville de son enfance. Située à l’extrémité de la chaîne montagneuse du Noryeong, K, ville sombre et sans attrait dénigrée par le voyageur, reflétait l’enfermement et la misère. Suivant l’appel du monde et le désir des aînés, Yeongjun avait donc tout quitté, écartant de sa mémoire le souvenir d’un père dominateur et la rivalité haineuse qui l’a depuis toujours lié à Yeongu, son frère. Le passé resurgit. Sur son lit de mort, leur père les charge de vendre la maison de leur enfance et de faire don du fruit de la vente à une inconnue. « N’essayez pas d’enlever le sceau mis sur ce secret », glisse Eun Hee-kyung entre les lignes. Mais les histoires complexes, pour être résolues, se chevauchent, et les générations s’entremêlent. Eun Hee-kyung –populaire, particulièrement auprès des jeunes Coréens, et maintes fois primée dans son pays –, place ses romans et nouvelles loin des conflits idéologiques. Elle remonte malgré tout le fil du temps, laissant ses personnages progresser avec froideur et détachement ; explorant la question de la filiation et de la transmission familiale, dépeignant sans affect, mais par le détour de contes de son pays – qui ont bercé son enfance –, l’histoire et la modernisation brutale de la Corée du Sud.