Essais

Une planète au creux des mains

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✒ Caroline Clément

Le point de non-retour est atteint. Certains scientifiques le confirment. La Terre, affirment-ils, est entrée dans une nouvelle ère géologique. L’anthropocène. L’influence de l’homme prédomine. Au-delà du développement durable, des réflexions s’imposent. Cinq ouvrages se consacrent à la question.

Se mettre à l’écoute des scientifiques. Comme un parti pris. Cesser toute complaisance avec la peur. Tordre le cou au catastrophisme. S’inquiéter, peut-être, mais se poser, lire et faire le point. L’enjeu ? La Terre, et le rapport de l’homme à la Terre. La voici au cœur de toutes les préoccupations. Face aux questions cruciales qui émergent, portées sur les dangers qui nous guettent et décrivant une évidente « crise climatique » (couche d’ozone en péril, réchauffement, ressources vouées à l’épuisement, biosphère en voie d’extinction…), les éditeurs se mobilisent. Pour preuve : cinq ouvrages paraissent simultanément. Les noms de leurs auteurs ? Hubert Reeves, Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, Clive Hamilton, Tim Flannery, François Gervais. Ils sont astrophysicien, historiens, paléontologue, essayiste politique et philosophe, physicien, et leurs paroles, leurs recherches, leurs écrits se conjuguent malgré eux en une seule, vaste et profonde réflexion. S’ils ne sont pas les premiers à vouloir sensibiliser aux maux de notre planète, ces auteurs nous enjoignent chacun, de manière inédite, fouillée et percutante, à reprendre à ses débuts une longue histoire. Au-delà de la simple répétition de l’avènement de la planète et de l’évolution de la vie sur Terre, c’est bien le sens d’une révolution des mentalités qui est à présent questionnée. « Maintenant nous savons, maintenant nous avons conscience des conséquences globales de l’agir humain », déclarent Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz dans L’Événement anthropocène (Seuil). Quant à ce monde, « nous avons passé un point de non-retour. Il va falloir apprendre à y vivre », poursuivent-ils. Force tellurique. Voilà ce que serait devenu l’humain, qui a altéré la nature au point de l’avoir conduite jusqu’à la naissance d’une nouvelle époque géologique : l’anthropocène. « Jusqu’à maintenant, le concept d’Anthropocène est resté confiné presque exclusivement à la communauté des chercheurs […]. À mesure qu’il devient de mieux en mieux connu par le public, [il] pourrait bien entraîner une réaction similaire à celle que Darwin a suscitée. » Charles Darwin, Alfred Russel Wallace, James Lovelock… Les voici tous convoqués. Tim Flannery, désireux de sensibiliser le grand public à la nécessité de préserver l’environnement, chemine avec eux dans son essai Penser la Terre, plaidoyer optimiste pour notre futur (Buchet Chastel). La compagnie des grands penseurs de l’évolution vient soutenir des efforts de réflexion devenus impératifs. Penser la Terre. La géo-ingénierie ne manque pas de la faire, mais à sa façon. Face « au refus collectif de faire ce qui doit l’être pour empêcher que n’advienne un avenir qui promet d’être chaud, brutal et catastrophique pour la Terre et pour nous-mêmes », explique Clive Hamilton dans Les Apprentis sorciers du climat (Seuil), l’ingénierie du climat se serait engouffrée. Et leurs projets, visant à prendre le contrôle thermique de la planète, ont de quoi donner le vertige : refroidir la Terre par pulvérisation de particules de soufre dans la haute atmosphère ; éclaircir les nuages ; modifier la chimie des océans ; stocker le carbone dans les profondeurs de la Terre. « La belle histoire » décrite par Hubert Reeves dans Là où croît le péril... croît aussi ce qui sauve (Seuil), est bel et bien terminée. Une « moins belle histoire », mettant directement l’action de l’homme en cause, a pris le pas, laissant néanmoins surgir, dans un « réveil vert », un humanisme salvateur, ouvert à l’interdépendance de tous les êtres vivants. Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz l’indiquent : « Il reste alors aux anthropocénologues à se poser en guides d’une humanité déficiente en connaissances, de lui recommander de se reconnecter à la biosphère. »