Littérature étrangère

John Burnside

Scintillation

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photo libraire

Chronique de Christophe Daniel

Librairie La 25e Heure (Paris)

C’est dans un paysage macabre et désolé, celui de l’Intraville, que se situe l’action de ce somptueux roman. Une usine chimique désaffectée, environnée de rues grises et de grues rouillées, un bois aux arbres noircis, squelettiques et empoisonnés. Partout le chiendent, la maladie et la mort. Voilà pour ce décor d’une rare puissance visuelle, planté comme une écharde infectée dès les premières pages de Scintillation. Et, comme si ça ne suffisait pas, ce paysage de cauchemar est aussi la scène de disparitions fréquentes de jeunes écoliers. Fugues à répétition ? C’est la version officielle, mais guère convaincante, que des policiers corrompus tentent de faire avaler aux habitants. Assassinats en série ? L’hypothèse, quoique plus plausible, ne semble pas troubler l’indifférence et l’apathie généralisée du monde des adultes. Et c’est par le biais du narrateur, Léonard, 15 ans, que viennent la beauté et la lumière. Rarement un auteur est parvenu avec une telle réussite à nous faire entrer dans la psychologie d’un adolescent, cherchant dans les livres, le sexe et l’amour, à échapper à la mort et à la violence terrible qui innervent l’univers dans lequel il vit. Troublant roman sur l’adolescence, où des bandes de garçons sauvages feraient parfois passer Orange mécanique pour une bluette, et subtile réflexion sur la création romanesque, dont l’intrigue emprunte au thriller autant qu’au récit d’anticipation, voire au roman d’initiation. Il procure non seulement au lecteur le bonheur d’être emporté dans une écriture d’une puissance poétique exceptionnelle, mais aussi l’impression durable d’avoir vécu une expérience fascinante. On aimerait qu’avec ce cinquième livre publié par les éditions Métailié, John Burnside touche un public plus large et s’affirme comme l’un des auteurs les plus remarquables de sa génération.