À quoi jouent les hommes

Tout commence avec des souvenirs d’enfance, quand l’auteur accompagnait son grand-père au tabac PMU, du côté du faubourg Saint-Antoine dans le Paris des années 1970, réminiscences imprégnées de l’odeur des cigarettes et du bruit sec des pinces à tiercé... Jouer constituait le rituel du dimanche matin. Puis on allumait la télévision l’après-midi pour suivre, fébriles et passionnés, les courses dont on attendait les rapports dans la soirée. Tout en expliquant sa relation au jeu, et plus précisément aux paris sur les courses de chevaux, l’auteur s’intéresse également à leur création et nous en raconte l’histoire fascinante. À travers le prisme hippique, c’est à une petite Histoire de France sur deux siècles (xixe et xxe) qu’il nous convie. Commence le défilé de personnages historiques et réinventés pour les besoins de la cause romanesque, hauts en couleur, passionnés, géniaux ou désespérés, avec, comme figure centrale, Joseph Oller et sa famille venue de Catalogne pour tâcher de faire fortune à Paris. Immédiatement pris au jeu, on suit avec enthousiasme et délectation les pas de ce Rastignac de génie, de Chantilly à Fontainebleau, où la folie des courses hippiques résistera à toutes les guerres et à tous les bouleversements politiques. Écrivains, journalistes, hommes d’affaires, tous sont là, pour le meilleur et pour le pire, à jouer leur destin sur les champs de courses. Accompagnant la création des hippodromes, c’est aussi un nouveau Paris qui voit le jour. Le Moulin Rouge, la piscine Rochechouart, l’Olympia prennent naissance sous les yeux du lecteur, et les figures d’Eugène Sue, de la Goulue ou de Toulouse-Lautrec s’animent d’une vie nouvelle, loin du cliché kitch de la légende montmartroise. Et puisqu’il est question de prix et de courses dans À quoi jouent les hommes, gageons que le nouveau roman de Christophe Donner pourrait bien finir placé ou gagnant dans la course aux prix.