Bande dessinée

Clément Oubrerie , Stéphane Melchior

Les Royaumes du Nord, t. 1

✒ Simon Roguet

(Librairie M'Lire, Laval)

Clément Oubrerie n’est pas un dessinateur qui aime se reposer sur ses lauriers. Depuis ses débuts en BD, il aime, album après album, surprendre ses lecteurs. D’Aya de Yopougon à Pablo (Gallimard et Dargaud), il collectionne les succès depuis maintenant près de dix ans. Avec l’adaptation d’un des textes de fantasy les plus importants de ces vingt dernières années, il ouvre une nouvelle porte dans son œuvre et cela risque encore une fois de marquer les esprits.

Si vous l’avez déjà lu, je peux vous affirmer que c’est un réel bonheur de redécouvrir, sous de nouveaux traits, l’intrigue et les personnages de cette aventure exceptionnelle. Que ceux, par ailleurs, qui ont vu l’adaptation cinématographique se rassurent : la bande dessinée est un véritable hommage à l’œuvre là où le film allait de déception en déception. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on retrouve le personnage de Lyra, cette jeune fille de 12 ans qui sera au centre de l’intrigue. Lyra vit depuis sa naissance au Jordan College d’Oxford sous la tutelle de maîtres un peu barbants. Elle rêve de suivre son oncle, le mystérieux Lord Asriel vers le royaume du Nord et de partir à la recherche de cette fameuse Poussière qui semble ouvrir la porte à d’autres mondes. Évidemment, sa quête sera remplie d’embûches… S’attaquer à l’une des sagas les plus emblématiques de la fantasy contemporaine pourrait vite donner le tournis à n’importe quel auteur ou dessinateur. Pourtant, Stéphane Melchior-Durand à l’écriture et Clément Oubrerie au dessin n’ont pas l’air de trop s’en soucier et portent avec énergie et simplicité cette très belle adaptation. On avait vraiment apprécié le travail du scénariste dans la version décalée de Gatsby le magnifique (coll. « Fétiche », Gallimard), où il transposait l’histoire du dandy américain dans un Shanghai contemporain et exubérant. Il récidive ici avec une adaptation sobre et efficace. Les ellipses par rapport au texte original (obligatoires pour le changement de support) sont intelligentes et ne nuisent pas à la narration, tout au contraire. Au dessin, Clément Oubrerie semble se faire plaisir dans ce nouveau style. Alors qu’on le connaissait très à l’aise dans les séries plus « réalistes » que sont Aya de Yopougon, Pablo ou dernièrement Mâle occidental contemporain (Delcourt), on attendait avec impatience de voir ce que son dessin pourrait donner sur une série de fantasy. Même si ce premier volume se situe essentiellement dans des contrées connues où l’on ne voit finalement que peu de créatures, les quelques pages où l’univers fantastique prend forme donnent vraiment très envie. Les Panserbjørnes (sorte d’ours en armure) sont par exemple particulièrement bien rendus et Oubrerie est très à l’aise avec les daemons, ces êtres de forme animale qui représentent l’âme de chaque personnage. Au final, ce premier volume (chaque tome de la série initiale devrait être traité en trois volumes) remplit parfaitement son rôle de mise en place de l’intrigue. Il donne franchement envie pour la suite. C’est pour quand, d’ailleurs ?

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