Littérature française

Sophie Divry

Fantastique histoire d’amour

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photo libraire

Chronique de Catherine Jamain

Librairie des thés (Surgères)

Un soupçon de fantastique mêlé au scientifique, une entrée dans le milieu du journalisme, une étude de caractères et, bien sûr, cette histoire d’amour que l’on attend avec impatience constituent les ingrédients du dernier roman de Sophie Divry, Fantastique histoire d’amour. Un bien fantastique roman !

Vous êtes lauréate de plusieurs prix pour vos précédents romans. Que représente pour vous ce prix du livre France Bleu/Page des libraires ?

Sophie Divry Je n’ai pas eu tant de prix que cela dans ma carrière. Celui-ci représente donc pour moi l’opportunité de faire connaître ce livre à plus grande échelle, sur tout le territoire. J’en suis particulièrement fière parce qu’en écrivant Fantastique histoire d’amour, j’avais, entre autres défis, celui d’écrire un roman populaire.

 

Vous écrivez sur des sujets très différents (le journal d’un robot dans Curiosity ; des manifestants du mouvement des Gilets Jaunes dans Cinq mains coupées ; une dystopie dans Trois Fois la fin du monde pour ne parler que de vos dernières parutions). Pourquoi cette histoire ?

S. D. Je n’ai pas vraiment le choix, cela vient comme une exigence : me dépayser moi-même à chaque nouveau livre. Pour écrire, il me faut à la fois un nouveau défi formel (ici écrire un roman très narratif, très romanesque) ainsi qu’une embardée dans des territoires encore non explorés dans mes précédents livres (ici l’histoire d’amour et le thriller). À moins que je ne sois instable, insatiable, trop curieuse ! Je n’en fais pas école mais je suis incapable de faire deux fois le même livre.

 

Vous nous aviez plutôt habitués à des ouvrages assez courts. Qu’est-ce qui vous a amenée, cette fois-ci, à écrire 500 pages ?

S. D. Cela s’est fait par la construction du roman. Comme on alterne le point de vue de Bastien (avec le « je ») et celui de Maïa (avec le « elle »), l’histoire prenait vite des allures feuilletonnesques. J’ai même discuté un moment avec mon éditeur sur l’idée de faire deux volumes. Car il fallait de l’espace pour articuler l’enquête au cœur du récit (sur le cristal bleu) avec l’histoire d’amour, et pour pénétrer la psychologie des personnages. J’ai coupé le tiers du manuscrit de concert avec mon éditeur, pour que cela ne fasse qu’un seul tome, puisque ce n’est qu’une seule histoire.

 

Bastien et Maïa, vos personnages principaux, souffrent tous deux d’addiction. Pourquoi leur avoir prêté ces troubles ?

S. D. On a tous une addiction à quelque chose : tabac, alcool, sexe, amour, à son propre ego, à l’écriture, au besoin d’être aimé... Mes personnages sont tous tendus vers quelque chose. Extérieurement, c’est la quête du cristal et donc la dimension thriller scientifico-criminel du roman. Mais intérieurement (là où, en tant qu’autrice, je préfère placer le cœur de mon style), ils sont tendus par une quête intérieure, de liberté et d’amour. Ces deux tensions, ainsi que leur addiction, font de Bastien et Maïa des personnages, selon moi, très attachants !

 

Le personnage de Maïa est journaliste, profession que vous avez exercée. Avez-vous d’autres points communs ?

S. D. Oh oui, plein ! La « disparitionnite » notamment. C’est un grand fléau dans ma vie. Je perds tout, surtout durant l’écriture d’un livre : j’ai mis une sangle à mes jumelles pour ne plus les oublier quand j’observe les oiseaux ! La salle de sport et le Rubicube, par contre, je les ai découverts en construisant le personnage, pour les besoins du livre. Là, c’est Maïa qui a déteint sur moi : maintenant je résous un Rubicube en soixante secondes ! Bon, le record, c’est 3,47. Encore beaucoup de livres avant d’y parvenir !

 

Dans votre texte, le fantastique s’invite dans le quotidien. Est-ce que le cristal scintillateur a une réalité scientifique ? On aimerait le croire !

S. D. Le cristal d’orthosilicate de lutétium existe vraiment mais il n’a pas exactement les caractéristiques dépeintes dans le livre. J’ai pu rencontrer une physicienne au Cern qui m’a parlé du coating et un autre, à Lyon, qui m’a montré un four où les cristaux sont fabriqués. À partir de cette base documentaire, j’ai inventé l’expérience qui tourne mal. Mais il y a bien des cristaux scintillateurs dans le CMS, un détecteur de l’accélérateur de particules !

 

Pour faire écho à votre essai, Rouvrir le roman (Noir sur Blanc/Notabilia, 2017), ce livre est-il un lieu de recherche et d’aventure ?

S. D. Toute écriture est pour moi un terrain de découverte et de jeux. J’y trouve toujours de quoi progresser et explorer. Mais le but premier reste d’émouvoir le lecteur, de mettre en fiction notre monde et de mettre en récit nos dilemmes moraux.

 

 

Dans Fantastique histoire d’amour, Sophie Divry nous entraîne dans deux enquêtes menées tambour battant. Bastien, inspecteur du travail mélancolique, doit trouver les raisons de la mort d’un ouvrier broyé par une compacteuse à Lyon. De son côté, Maïa, journaliste scientifique, va investiguer sur le cristal scintillateur, un matériau aux propriétés étonnantes, dans le milieu de la recherche nucléaire, au Cern de Genève. Ces deux-là vont finir par se rencontrer pour un final aux petits oignons ! Personnages principaux et secondaires très incarnés, des scènes comme au cinéma, le tout dans un style fluide qui sert la narration : de quoi nous faire regretter que ce régal ne dure que 500 pages !