Littérature française

Lyonel Trouillot

Antoine des Gommiers

✒ Lydie Baillie

(Librairie Aux lettres de mon moulin, Nîmes)

La plume poétique et chatoyante de Lyonel Trouillot a donné vie à deux frères aussi dissemblables que fusionnels. L'un brosse le récit d’un quotidien misérable, quand l’autre illumine son passé d’une légende prompte à embellir leurs jours.

Si comme leur mère Antoinette le répète à qui veut l'entendre, Antoine des Gommiers, le devin qui a donné une légende à son village est leur ancêtre, alors Ti Tony et Franky pourraient peut-être profiter de cette histoire pour adoucir le cours de leur vie. Dans ses prédictions, Antoine des Gommiers disait qu'il n'y a d'avenir que comme nous le faisons. Mais dans ce quartier populaire d’Haïti habité par la peur et la misère, Antoinette ne possèdera, jusqu’à sa mort, que son petit commerce ambulant de pacotilles pour nourrir les siens. Franky, l’asthmatique fragile, le fils préféré, d'une grande maladresse pour toutes les choses courantes est maître dans l'art des mots. Un cadeau du ciel disait son professeur. La fierté de sa mère. Ti Tony ne peut que s'arranger avec les réalités de la vie. Lui, le terre à terre, l’enfant inculte et bagarreur, vend de la borlette (loterie) à ceux qui croient en leur chance mais perdent chaque jour. Dans leur pauvre ruelle, tous partagent les mêmes conditions d'existence, de misérable survie. Trop d’injustices et d’inégalités anéantissent la volonté des jeunes qui ne demandent qu’à avoir un avenir. Puisque leur vie n'en est pas une, Franky va y mettre du bleu pour la rendre plus belle. En relatant l'histoire d'Antoine des Gommiers, Franky trace des repères, reconstitue un passé sans lequel nul ne trouve son chemin, même dans le corridor de la grand-rue de Port-au-Prince, pour les aider à aimer ou simplement à supporter cette vie des quartiers déshérités d'Haïti, certes haute en couleur mais toujours dans l'errance. La poésie de Lyonel Trouillot et, sous sa plume, l'indigo de Franky, y posent une touche d'espérance et de rêve, comme les couleurs de l'arc-en-ciel sur un ciel d'orage.

Les autres chroniques du libraire