Littérature étrangère
Elif Shafak
Trois filles d’Eve
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Elif Shafak
Trois filles d’Eve
Traduit de l’anglais (Turquie) par Dominique Goy-Blanquet
Flammarion
10/01/2018
400 pages, 22 €
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Chronique de
Lionel Daubigney
Librairie Aux vents des mots (Gardanne) -
❤ Lu et conseillé par
7 libraire(s)
- Geneviève Gimeno de Maupetit (Marseille)
- Marie Hirigoyen de Hirigoyen (Bayonne)
- Catherine Florian de Violette and co (Paris)
- Sarah Gastel de Adrienne (Lyon)
- Brice Vauthier de L'Étagère (Saint-Malo (Paramé))
- Lionel Daubigney de Aux vents des mots (Gardanne)
- Morgane Le Visage de CH de St-Cyr-au-Mont-d'Or (Saint-Cyr-au-Mont-d’Or)
✒ Lionel Daubigney
(Librairie Aux vents des mots, Gardanne)
Ce dixième roman de l’écrivaine turque Elif Shafak est une critique acerbe des mœurs de la bourgeoisie stambouliote et de l’intégrisme religieux, servie par une écriture puissante, envoûtante et tout en subtilité.
Istanbul, printemps 2016. Nazperi Nalbantoglu, surnommée Peri, est invitée dans une maison luxueuse de la haute bourgeoisie d’Istanbul : « balcons en fer forgé, escalier de marbre blanc, fontaines en mosaïque, caméras de haute surveillance, portails électriques, haies de fils barbelés ». « Le dernier souper de la bourgeoisie turque », comme l’explique l’auteure. Les invités, tous plus « importants » les uns que les autres, exhibent leur réussite, distillent leurs préjugés et leur ignorance, laissent échapper leurs peurs et leurs rancœurs, éructent. « Dans les soirées privées, la bourgeoisie stambouliote n’était jamais lasse de se déchaîner contre la politique, comme pour compenser leur silence à l’extérieur. » Des événements qui se sont déroulés avant son arrivée vont conduire la jeune femme à se plonger dans son passé. Sa jeunesse d’abord, tiraillée entre un père laïc qu’elle adorait et une mère très pieuse qui ne l’aimait pas (ou en tout cas qui ne le montrait pas), entre un frère militant marxiste et un autre, intégriste religieux. Puis ces années d’étudiantes à Oxford, à repenser à ses deux amies Shirin, la jeune Iranienne émancipée, et Mona, la jeune musulmane pratiquante et féministe. Trois filles donc, qui par moments pourraient n’en faire qu’une, comme un symbole de la richesse, de la complexité, de la fragilité, du manque de perspective mais aussi du potentiel de la jeunesse. Critique féroce des mœurs de la bourgeoisie stambouliote, de son absence de courage politique, de son incapacité à prendre son destin en main, ce roman est également une description de la montée et de l’importance croissante des intégrismes religieux et de l’oppression faite, en particulier, aux femmes.