Petites Reines

Anoua vit dans un désert en Afrique, elle cherche à échapper au poids des traditions ancestrales de sa tribu. C’est la petite reine, fille de personne et condamnée à une mort certaine. Elle ne connaît du monde que la sensualité et la violence de son quotidien. Elle n’a pas d’avenir et pas de passé. Queenie vit aux États-Unis dans une splendide villa au bord de l’océan. Vieille dame vulgaire, arrogante et acariâtre, elle attend impatiemment qu’un jour Alzheimer vienne la soulager du poids de ses souvenirs. Elle porte un lourd passé dont elle veut se délester. L’une ne veut plus de mémoire, l’autre rêve d’avoir le temps de s’en construire une. Ces deux femmes parlent à tour de rôle de leur combat pour se soustraire à ce qui semble inéluctable. Elles n’ont a priori rien d’autre en commun que d’être fragiles, fougueuses et fortes à la fois. Pourtant, petit à petit, les récits alternés s’insinuent l’un dans l’autre. Anoua apprend à s’échapper et s’endurcir, à tromper et à subir pour mieux continuer. Queenie s’adoucit peu à peu, sans délaisser ses insultes favorites, elle cherche à faire le bonheur d’autres qu’elle. Leurs trajectoires inversées se font écho dans cet objet littéraire surprenant et subtilement construit. Le roman de Jimmy Lévy est un choc, son écriture unique et multiple sonne comme une litanie, un chant étrange aux accents chamaniques. Sa langue crue et viscérale transperce le lecteur pour mieux l’amener vers le désir de dire la vie dans ce qu’elle a de plus sombre et de plus beau. Peut-on s’affranchir du passé et à quel prix ? Les petites reines de Jimmy Lévy luttent pour leurs rêves ou contre leurs souvenirs pour trouver leur place. Le lecteur, lui, rempli de sensations et d’émotions intenses, n’a aucun mal à trouver la sienne.