Littérature française

Emmanuel Carrère

Limonov

photo libraire

Chronique de Daniel Berland

Pigiste ()

Mais qui est donc Limonov ? Depuis 1982 et son Journal d’un raté jusqu’au récit que lui consacre Emmanuel Carrère, Edouard Limonov agace, irrite, fascine et déroute. Contradictoire, insaisissable et provocateur, l’homme qui rêvait sa vie comme une magistrale fresque romanesque s’est cherché partout, en tout, jusque dans les marges sexuelles et politiques les plus extrêmes. L’étonnant et détonnant Limonov est assurément parvenu à faire de sa vie un roman, dont le héros raté aurait réussi à écrire et à vivre. Et derrière ce parfait raté se dessine, abominable et fascinant, le portrait du dernier des « possédés » dostoïevskiens décrit par Emmanuel Carrère. L’homme, poète et provocateur, se nourrit au sang de sa révolte et se laisse guider par une seule urgence : l’action. En suivant la piste du personnage, c’est une genèse post-soviétique que dévide l’auteur, celle d’une génération en mal d’Histoire et de repères. Un exercice littéraire remarquable sur une vie qui se révèle, après tout, pas si merdique que ça.