Littérature étrangère
Jón Kalman Stefánsson
La Tristesse des anges
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Jón Kalman Stefánsson
La Tristesse des anges
Traduit de l’islandais par Éric Boury
Gallimard
01/09/2011
384 pages, 21,50 €
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Chronique de
Daniel Berland
Pigiste () -
❤ Lu et conseillé par
6 libraire(s)
- Valérie Barbe de Au brouillon de culture (Caen)
- Rémi Grandidier de Le Neuf (Saint-Dié-des-Vosges)
- Chantal Pellet de Majolire (Bourgoin-Jallieu)
- Agathe Grandjouan de Bibliothèque pour tous (Nantes)
- Serge Vessot de Cultura (Marsac-sur-l'Isle)
- Achille Sofer de Le Pain des rêves (Saint-Brieuc)
✒ Daniel Berland
(Pigiste , )
Quand les anges sont tristes, ce sont tous les éléments qui s’en trouvent abattus. Les larmes inondent les terres rocailleuses, la neige épaisse ensevelit tous les reliefs et le ciel noir, au cœur bien lourd, se couche sur l’horizon torturé. Chez Stefánsson, quand les anges ont le vague à l’âme, ce sont aussi tous les hommes qui se rapprochent, qui s’observent et qui se confient, comme pour mieux se réchauffer et se grandir mutuellement. Quand les anges pleurent, tous les « yeux sont telles des gouttes de pluie ». Et pendant que les anges sèchent leurs larmes, un naïf gamin découvre la vie, le monde adulte, son corps, les femmes, la sensualité et se prépare à aider Jens à affronter les éléments naturels jusqu’à l’autre bout de l’île, « là où l’Islande prend fin pour laisser place à l’éternel hiver ». Ensemble, ils avanceront péniblement, lutteront et résisteront à la mort qui les guette à chaque page de ce roman d’apprentissage, d’initiation et d’humanisme, qui nous plonge dans un univers tour à tour glacial et érotique, à la fois métallique et d’une extrême douceur. Chaque étape du périple sera pour les deux hommes l’occasion de rencontres de l’autre bout du monde, avec des personnages excessivement bien trempés, chacun figés dans son autarcie gelée et auprès desquels ils trouveront chaleur et réconfort, ces sentiments qui seuls permettent de revenir sur les démons de jadis. Ce qui est surprenant avec le talent, c’est que même après y avoir goûté, on ne s’y habitue jamais tout à fait. Il a le don de nous surprendre à chaque fois. Nous pensions l’avoir mesuré lors de la lecture du premier volet de cette trilogie islandaise (Entre ciel et terre), mais il nous laisse à nouveau complètement pantois avec ce second volet. Car la densité littéraire et poétique de JÓn Kalman Stefánsson est sans borne. Son art pour camper personnages et paysages et pour en dévoiler la profondeur confine au mystère. Cela relève-t-il du talent, du génie ou de la magie ? Sans aucun doute des trois à la fois.