Essais

Michaël Fœssel

La Nuit

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photo libraire

Chronique de Florence Zinck

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

Depuis toujours la nuit fascine, parfois hante artistes, poètes, intellectuels, écrivains… beaucoup en ont sondé les profondeurs. Le philosophe Michaël Fœssel se livre à son tour à une exploration des mystères nocturnes.

Après s’être intéressé, entre autres choses, aux dérives de la démocratie, au catastrophisme, mais aussi à la notion de consolation dans son dernier ouvrage, le philosophe Michaël Fœssel nous convie aujourd’hui à pénétrer dans les coulisses du monde invisible de la nuit. À pas de velours, le noctambule, tel un insomniaque privé du monde, avance masqué. Car la nuit magnifie toutes sortes de dissimulations. « Il s’agit d’un temps sans calcul ni comparaison, il faut y être tout entier ou pas du tout », écrit Michaël Fœssel. Il s’agit de saisir ce qui est là, consentir à la nuit pour toutes les expériences qu’elle recèle, loin de tout regard. Dans ce clair-obscur, nous devenons des « étoiles consentantes », une façon de se tenir face à la nuit qui altère nos perceptions. Le jugement se trouve modifié, adoucit. Le film de Jean Eustache, La Maman et la putain, illustre bien ce propos, tout comme le livre de Restif de la Bretonne Les Nuits de Paris (Folio Classique). La nuit est aussi l’occasion d’admirer des spectacles imprévisibles et de se laisser surprendre par l’inattendu. Michaël Fœssel s’intéresse également à la dimension politique des pratiques nocturnes. La nuit est un lieu propice aux expériences égalitaires, « l’autre n’est plus perçu comme un ennemi potentiel ». La nuit peut devenir aussi le théâtre d’un nouveau jour, avec tout ce qu’elle contient de paradoxes et de dissimulations, tel un Bashung chantant « la nuit je mens… » L’aspect politique du livre consiste notamment à faire la critique d’une société occidentale désormais obsédée par la transparence, où l’on voudrait nous faire croire que sécurité rime avec liberté. Or, pour le philosophe, seule la nuit reste libératrice. Vivre sans témoin, le sous-titre du livre, prend alors une autre signification, peut-être celle d’être pleinement soi. Sous la plume de Michaël Fœssel, la nuit à venir sera sans aucun doute intensément belle.