Essais

Richard Sennett

Ensemble

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Chronique de Guillaume Le Douarin

Librairie L'Écume des pages (Paris)

Après le passionnant Ce que sait la main (Albin Michel), Richard Sennett complète sa trilogie par un deuxième volume tout aussi riche en enseignements. Admirablement traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat, ce texte nous invite à une réflexion sur notre rapport aux autres.

Ensemble – pour une éthique de la coopération : ce titre peut de prime abord être entendu comme une provocation au regard des évolutions sociétales récentes. Richard Sennett nous rappelle avec force que nous avons naturellement besoin de coopérer. Nous coopérons pour accomplir ce que nous ne pouvons faire seuls. Cette affirmation est parfaitement illustrée par la photo de Frances Johnston, « Construction d’un escalier ». En effet, chacun à sa place et selon ses compétences concourt à une réalisation qui le dépasse individuellement. Le sociologue attire d’abord notre attention sur l’aspect historique et social de la coopération. Cette présentation passionnante et documentée nous replonge à l’époque de l’exposition universelle de 1900 et de son « musée social ». Pour Richard Sennett, le capitalisme naissant a modifié durablement la coopération humaine. Seul l’atelier, et ce depuis l’Antiquité, reste le modèle de coopération durable. Aussi, le défi est-il d’équilibrer au maximum la compétition et la coopération mutuelle, grâce notamment à l’expérience et au rituel. Le but à atteindre étant le principe de la coopération dialogique : cette forme implique une ouverture qui recourt à l’empathie plutôt qu’à la sympathie. Par la suite, il fait cependant l’amer constat que la coopération s’est considérablement affaiblie au fil du temps, car l’inégalité s’est développée. Il fait référence au sociologue Jeffrey Goldfarb. Celui-ci constate que nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’une « société cynique », où les citoyens sont peu disposés à coopérer. Malgré tout, la conclusion de l’auteur reste ouverte et positive puisqu’il se réfère à la sagesse de Montaigne. Un manque de compréhension mutuelle ne devrait pas nous empêcher de nous engager avec d’autres. Un livre très instructif qui permet de développer une réflexion sur une thématique d’avenir.