Littérature française

Caroline Laurent

Ce que nous désirons le plus

illustration

Chronique de Dolly Choueiri

Librairie Des gens qui lisent (Sartrouville)

Dans ce texte essentiel et follement entraînant, Caroline Laurent nous invite à une danse effrénée avec des femmes qui écrivent, puisant dans la littérature la puissance consolatrice nécessaire au geste d’écriture.

Comment se reconstruire après une chute ? Car c’est bien d’une chute qu'il s’agit dans ce texte puissant, très intime et sans concessions que nous livre Caroline Laurent. Léger retour en arrière : si son précédent roman, Rivage de la colère (Les Escales et Pocket), signait avec éclat son entrée officielle en écriture, de nombreux lecteurs et lectrices avaient déjà croisé sa plume précise et élégante dans un texte co-écrit il y a cinq ans avec l’autrice Évelyne Pisier, devenue son amie : Et soudain, la liberté (Les Escales et Pocket). Plus qu’une rencontre littéraire, le travail autour de ce texte avait scellé une amitié réciproque, intense qui surtout autorisait le geste d’écriture à celle qui ne l’avait pas encore osé. Et puis janvier 2021 : le chaos. Des révélations au sein d’une « grande famille » explosent : mensonges, inceste… ces mots, lancés comme une bombe à fragmentation, emportent l’écriture de Caroline Laurent dans leur souffle. Et la laissent paralysée. Car oui, comment écrire quand l’écriture n’a pas permis de voir, de comprendre ? Comment continuer si l’écriture peut être trahison ? Commence alors une année comme un gouffre, oppressante, béante, où rester sur place est impossible mais où avancer est un combat. C’est oublier que l’écriture recèle en elle-même l’antidote à ses fêlures. La consolation offerte par d’autres, des femmes qui écrivent, qui ont cherché, sont tombées et se sont relevées grâce à la littérature et aux mots. Caroline Laurent convoque tour à tour Annie Ernaux, Joan Didion, Deborah Levy et bien d’autres pour retrouver le souffle et la voix, dans ce texte universel, bouleversant et cathartique. Et ce qui subsiste après la lecture, c’est une joie immense. L’évidence d’avoir, sur sa route, des milliers de compagnes tapies dans l’ombre des pages. Une lecture indispensable où chaque mot, juste, est un geste, un pas. Une danse.