Beaux livres

Michel Pastoureau

Blanc

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photo libraire

Chronique de Mylène Ribereau

Librairie Georges (Talence)

Ce sixième livre clôt le travail monumental de l'historien Michel Pastoureau consacré à l'univers de la couleur. À la lecture de ce brillant ouvrage, le choix du blanc comme dernier opus ne semble pas un hasard. Son histoire est tumultueuse et passionnante.

Comment définir le blanc ? Si la célèbre pièce de Yasmina Reza disserte avec humour sur ce thème, c'est bel et bien le défi de Michel Pastoureau que de tenter d'en esquisser une définition. Comme il l'écrit en introduction, « en sciences humaines, la couleur se définit et s'étudie d'abord comme un fait de société ». C'est elle, en effet, qui lui donne ses significations, ses valeurs, ses codes. Omniprésent dans l'art à chaque époque, le blanc déborde du cadre artistique et joue un rôle dans de nombreux domaines. Tel est le point de départ de ce merveilleux livre qui reprend chronologiquement la présence du blanc, de l'ère préhistorique jusqu'à nos jours en Europe occidentale. Depuis toujours, il possède une valeur positive, synonyme de pureté, paix, joie. Dès l'Antiquité, il est la couleur des Dieux. Cette haute valeur sociale s'accompagne d'un lexique varié. En effet, le blanc d'alors n'est pas éclatant, unique mais révèle les nuances des différentes étoffes (laine, lin..) encore brutes. Sa blancheur pure vient de sa grandeur symbolique. De cette divinité, le blanc conserve le statut avec la montée du christianisme qui en fait sa couleur de prédilection autour de la figure du Christ puis de la Vierge. Au Moyen Âge, il est opposé au rouge et incarne la noblesse des chevaliers et de la royauté. Puis vient le début de l'ère moderne. Les teinturiers et savants expérimentent de nouvelles techniques qui permettent une plus grande variation des couleurs. Le blanc n'en reste pas moins reconnu. Au contraire, allié au noir avant de lui être antagoniste, ils sont valorisés par l'essor de l'imprimerie. Le rapport aux couleurs change alors en profondeur. Elles ne sont plus de simples adjectifs mais évoquent chacune un concept. Au XVIIe siècle, la découverte d'Isaac Newton sur la dispersion de la lumière blanche prouve alors qu'elle est composée de différentes lumières colorées. Il établit ainsi un nouvel ordre chromatique de sept couleurs qui exclut le noir et le blanc du spectre. Mais le blanc ne disparaît pas pour autant de notre société. Au XIXe, il reprend sa symbolique de pureté pour être associé à la santé, à la propreté. La diffusion des produits d'hygiène, des métiers de soin en sont encore aujourd'hui des manifestations fortes. Ce travail remarquable est émaillé de nombreux tableaux et iconographies prouvant à quel point le blanc est omniprésent dans notre histoire culturelle et sociale. Une nouvelle fois l'historien satisfait notre curiosité sur un sujet haut en couleur !