Essais

Pierre Bayard

Aurais-je sauvé Geneviève Dixmer ?

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photo libraire

Chronique de Bertrand Morizur

Librairie L'Arbre du Voyageur (Paris)

Se projetant dans un roman de cape et d’épée, Pierre Bayard imagine quel aurait été son comportement à la place du héros. Aurait-il pu, voulu ou même réussi à sauver la belle héroïne ? Un essai ludique, malin et passionnant.

Le très inventif Pierre Bayard poursuit un travail entamé dans ses précédents ouvrages autour de la question de l’engagement et de la responsabilité. Le point de départ original de cette nouvelle réflexion est la métalepse. Ce concept, développé par Gérard Genette et repris au cinéma et dans la littérature par Woody Allen et Jasper Fforde, par exemple, consiste à propulser un être réel dans une œuvre de fiction, l’inverse étant également imaginable. Dans la continuité de Aurais-je été résistant ou bourreau ? (Minuit), Pierre Bayard se propose d’endosser le rôle et même la personnalité du héros du roman de Dumas et Maquet, Le Chevalier de Maison-Rouge (Folio classique), et d’examiner les cas de conscience qui se présentent à lui dans cette aventure pleine de rebondissements se déroulant pendant la Révolution. La genèse de ce choix en dit long sur le projet de l’auteur. En effet, le plaisir du lecteur n’en est que plus vif lorsqu’il se met, littéralement, dans la peau des personnages. Or, le choix de ce roman renvoie Bayard à son adolescence et à ses premières émotions de lecteur. À ses premiers émois, aussi, puisqu’il éprouva un amour éperdu pour Anne Doat, la comédienne qui incarnait Geneviève Dixmer, le personnage dont tombe amoureux le héros, dans l’adaptation télévisée qui en fut faite. Le commentaire de texte prend dès lors l’allure d’un fantastique jeu de rôles qui interroge notre inconscient comme nos principes moraux ; la noblesse des sentiments, largement abordée dans ce type d’ouvrages, est ici confrontée à la large palette des codes moraux qui fondent notre société comme notre personnalité. La fantaisie de Pierre Bayard, qui ne se départ jamais d’un humour salutaire, permet à cet essai d’aborder en toute légèreté la question essentielle de notre relation aux autres, des limites de notre éthique personnelle confrontée aux grands débats de société.