Jeunesse Dès 15 ans
Anouk Filippini
This is (not) a love letter
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Anouk Filippini
This is (not) a love letter
Auzou
25/08/2023
250 pages, 15,95 €
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Chronique de
Marion Daoudi
Librairie Arborescence (Massy) -
❤ Lu et conseillé par
6 libraire(s)
- Cyrielle Tourisseau de d'Angerville (Angerville)
- Simon Roguet de M'Lire (Laval)
- Tania Dao Castes de Germaine Tillion (Paris)
- Valeria Gonzalez y Reyero de Jeanne Laffitte (Marseille)
- Marion Daoudi de Arborescence (Massy)
- Fabrice Barcq de Jean-Pierre Melville (Paris)
✒ Marion Daoudi
(Librairie Arborescence, Massy)
Le dicton « L’habit ne fait pas le moine » prend tout son sens dans ce roman young adult. En effet, il ne faut pas se fier à la couverture pétillante de ce livre qui annonce une romance adolescente légère et douce. La romance est bien au rendez-vous mais les pages de ce livre abritent une histoire bien plus complexe et sérieuse qu’il n’y paraît.
Dans notre ère post #MeToo, où de façon assez surprenante la dark romance fait rage sur les réseaux et dans les rayons des librairies, avec tout ce qu’elle peut transmettre de comportements et de constructions toxiques sur le couple et le sexe, le dernier roman d’Anouk Filippini trouve toute sa place et son importance. Ce roman s’ouvre sur une fin d’été dans le Sud de la France. Loue passe le plus clair de son temps sur sa planche de surf ou dans sa chambre à écrire des lettres qui restent sans réponses, à sa meilleure amie Josée. Son quotidien est bouleversé quand Inigo, à qui elle donne des cours de surf, lui demande des conseils pour être « bon » avec les filles. D’abord en colère suite à cette demande, Loue décide de lui confier dix règles indispensables à respecter pour le surf comme pour le sexe. Sans prétendre être un contre-exemple ni jamais tomber dans la moralisation, ce livre propose d’abord une alternative aux constructions narratives toxiques et aux tropes douteux qui dominent de plus en plus les pages des romances. Mais surtout, il permet d’ouvrir un dialogue à bâtons rompus sur la sexualité, le consentement et la culture du viol. Alors, avec une telle entrée en matière, ce roman peut en effrayer plus d’un, mais à cœur vaillant rien d'impossible ! Il réserve bien des surprises à ceux et celles qui lui donneront sa chance. Il allie parfaitement des sujets lourds et complexes avec une narration prenante et une atmosphère douce et addictive. Loue, dont la voix porte le récit, nous charme par son sarcasme et sa maturité. Elle porte un regard très juste sur les rapports de force entre hommes et femmes. À travers ses yeux et ses expériences de vie, on observe l’apprentissage et la mise en pratique d’un féminisme joyeux et informé d’une adulte en devenir. C’est aussi un roman sur la transmission de nouveaux codes. Inigo est un garçon qui a déjà commencé à assimiler les diktats nocifs d’une éducation masculine toxique, pollué de surcroît par une culture de la performance sexuelle transmise par l’industrie du porno. À travers leur relation, Loue partage avec lui les bases de ce que devraient être des relations bienveillantes, les tâtonnements joyeusement maladroits des premières fois et l’exploration respectueuse de la sexualité et de l'intimité. En soi, rien de révolutionnaire. Pourtant, ce roman remet sur la table des évidences qu’il est urgent et important de rappeler. Profondément engagé et engageant, This is (not) a love letter est un livre nécessaire et franchement plaisant qui sent bon l’été et la plage. Mais attention, en mer, la tempête n’est jamais loin.