Littérature française
Yves Ravey
Que du vent
-
Yves Ravey
Que du vent
Minuit
29/08/2024
128 pages, 17 €
-
Chronique de
Betty Duval-Hubert
Librairie La Buissonnière (Yvetot) - ❤ Lu et conseillé par 12 libraire(s)
✒ Betty Duval-Hubert
(Librairie La Buissonnière, Yvetot)
Aborder un nouveau roman d’Yves Ravey est toujours un plaisir immense, celui de pénétrer dans un territoire presque reconnu, d’être surpris par les nuances narratives, de consentir à être piégé, acculé, au même titre que ses personnages.
Yves Ravey a le talent narratif d'aborder le presque rien, d'ausculter la banalité, d'inventer des personnages apparemment sans envergure, toujours un peu menteurs, un peu escrocs mais assez gentils en surface, un peu superficiels, pas forcément capables du pire mais intéressés par le gain, l'argent et la roublardise, avec une naïveté et une autosatisfaction confondantes. Que du vent n'échappe pas à cette règle, en bon roman noir mêlant loufoquerie et tragédie, utilisant les codes narratifs inhérents au genre pour mieux construire puis déconstruire les personnages et se moquer d'une société et d'un mode de vie figés par les préjugés, les stéréotypes et surtout par l'argent et la cupidité, voire la stupidité. Barnett pourrait être le héros typique d'un feuilleton télévisé américain, à peine vieilli, celui aussi d’un roman-feuilleton un peu sentimental, sans grande intensité, qui retient néanmoins le lecteur avide de rebondissements. Barnett se perçoit en fin observateur du monde, de son entourage familial et de son voisinage immédiat. Homme de la situation, il est animé de projets multiples mais bancals, aussi désastreux et minables les uns que les autres. Il a la ferveur de sa naïveté, de la crédulité qu'il déploie avec acharnement. Mensonge ou vérité ? Il ne résiste guère aux regards et aux invitations appuyés de sa voisine, Sally, prétendument délaissée par son époux et arborant ostensiblement son ennui au bord de la piscine. Le cadre est posé, à la fois géographique et social, l'hameçon tendu : un pactole supposé généreux, niché au creux d'un coffre-fort dont la combinaison est déjà connue. Yves Ravey s'amuse, temporise, ironise. Tous les ingrédients sont ici réunis dans une vraie-fausse intrigue laissant une petite musique littéraire parfaitement rythmée. C'est exquis.