Littérature française

Sylvie Gracia

Nous n’étions pas des tendres

EB

✒ Emmanuelle Belle

(Librairie Maison du livre, Rodez)

« Nos vies sont faites de multiples facettes et c’est ce qui fait la richesse de notre parcours. On a tout ça en soi, une famille et des racines dont il faut s’extirper pour devenir libre ou bien se perdre. »

Le temps d’une semaine, Hélène, la cinquantaine, revient avec son père vieillissant, dans la maison de vacances familiale. Mue par un pressentiment, elle sent bien que c’est « notre dernière fois au lac ». Elle, la Parisienne, renoue alors avec les souvenirs et les rituels de l’été : le marché sur la place du village, les après-midis insouciants à la plage, les amours de jeunesse. Mais les années ont passé et avec elles, cette « mythologie des moments joyeux et du bonheur en famille » s’est effacée. Alors, Hélène compte les jours de ce séjour forcé, regarde son père diminuer, s’énerve contre ce frère absent désormais propriétaire de la maison du lac. Elle ne veut pas être là, dans cette maison où elle redevient une enfant obéissante ‒ « accrochée au lac et à mon père comme si je n’avais pas d’existence ailleurs ». Dans ce huitième roman, Sylvie Gracia, directrice littéraire de L’Iconoclaste, s’interroge : « Comment peut-on être toujours attaché au lien familial et comment pourtant peut-on s’en libérer ? » L’auteure explore les relations familiales, amicales, amoureuses où le peu de mots en dit beaucoup, où les mains que l’on touche, les corps que l’on caresse prouvent qu’on est toujours vivant, où le lieu façonne inexorablement l’homme. En ouvrant les volets le matin, en parcourant les bois, Hélène prend conscience que « la maison concrétise l’ancrage dans ces terres » malgré la rudesse du pays. « Cette notion de liberté, de "vie devant" est une énergie formidable pour se sentir vivant jusqu’au dernier jour », dit-elle. Son premier roman, L’Été du chien, paru en 1996 chez Gallimard, où une jeune femme récemment séparée revenait vivre chez ses parents avec ses enfants, évoquait déjà ce questionnement du retour aux sources. « À la fois, j’ai parcouru toutes ces années et à la fois, je suis libre de poursuivre. »

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