Essais

Peter Longerich

Goebbels

illustration
photo libraire

Chronique de Cyril Canon

()

Longerich réussit le défi de déconstruire le mythe de propagandiste de génie qui colle à la réputation de Goebbels – légende largement bâtie par le dignitaire nazi lui-même – et réévalue en profondeur le rôle que celui-ci s’est donné dans l’histoire du Troisième Reich. En s’appuyant sur ses carnets et journaux intimes, et en confrontant systématiquement ses sources à l’analyse critique de l’historien, l’auteur dévoile la personnalité complexe et ambitieuse d’un homme en perpétuelle quête de reconnaissance et au narcissisme pathologique. Docteur en philosophie, écrivain et intellectuel raté, le jeune Goebbels rumine sa haine de la bourgeoisie et du « juif », deux maux qui résument à ses yeux les problèmes de la société allemande… à commencer par les siens propres. Dépressif, il trouve une thérapie dans l’aventure nationale-socialiste et s’y lance à corps perdu. En la personne d’Hitler, il découvre son idole, son messie. Il n’aura dès lors de cesse de vouloir le servir, s’attirer ses bonnes grâces, lui devenir indispensable. L’homme est habile, il est finalement parvenu à ses fins. Au-delà, sans doute, de ses espérances. Sa totale dépendance psychologique au Führer aura été le moteur de sa carrière. Opportuniste peu visionnaire et dépourvu de réflexion politique, que les stratèges du Reich ont toujours pris soin de maintenir à l’écart des grandes décisions militaires, il aura été le grand ordonnateur de la haine antisémite. Son seul fait d’armes, en plus de ses talents de démagogue et de manipulateur des masses, a été la construction de sa propre légende à partir de la rédaction de son journal intime, dont les pages étaient habilement diffusées auprès du public. Il y consignait tous ses échanges avec son maître, perpétuant le récit de sa réussite tout en mettant en scène son intimité avec le Führer. Selon Longerich, Goebbels est une statue au pied-bot d’argile, un imposteur jusque dans la théâtralisation de son suicide et de celui de sa famille, conçu comme un acte ultime de propagande.