Littérature étrangère

Fiona Kidman

Gare au feu

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photo libraire

Chronique de Diane Maretheu

Maison d'édition L'Iconoclaste ()

Six ans après la parution du roman de la Néo-Zélandaise Fiona Kidman, Rescapée , Sabine Wespieser publie de celle-ci un recueil de nouvelles, Gare au feu . Cette romancière, fameuse dans son pays, est dotée d’une faculté toute particulière pour brosser des personnages très incarnés et imaginer des histoires puissantes.

Les onze nouvelles de Gare au feu se divisent en trois parties. Elles se lisent toutes avec plaisir et une égale intensité. Les personnages, qu’il s’agisse de Maori ou d’Anglais exilés, qu’ils soient en détresse ou forts face à l’adversité, provoquent une adhésion et une empathie immédiates. La première partie fonctionne sur le principe du duo. Amies, couple, inconnus, les personnages s’aiment, se retrouvent, s’entraident. Dans « Extrêmes », deux femmes sont forcées de faire un aller-retour éclair en Australie pour subir un avortement ; dans « Soieries », deux femmes qui ne parlent pas la même langue sont coincées dans un hôpital au Vietnam. Elles n’ont pas le même âge, pas la même trajectoire, mais, ensemble, elles s’épaulent. Quelque chose, bien au-delà d’une simple amitié naissante, se noue entre elles. C’est ce que décrit à la perfection l’auteur : les rapports humains, ce qui parfois se tisse entre deux êtres, en dehors de ce qui est prévu. Les personnages qu’elle met en scène n’ont rien d’extraordinaire. Ils se dépêtrent comme ils peuvent des embûches, des situations difficiles qui ponctuent leur chemin. Les trois nouvelles composant la deuxième partie du recueil sont liées par un même personnage, Joy. « L’homme de Tooley Street » raconte la disparition de Joy et s’intéresse à Ruth, sa fille, ainsi qu’à ses deux demi-sœurs. On les retrouvera ensuite au fil des nouvelles, elles et leurs enfants et petits-enfants, dans des rôles plus ou moins secondaires. Fiona Kidman a une façon bien à elle d’amener ses personnages. Habilement, elle aborde des problématiques complexes comme la filiation ou le deuil. Les deux dernières nouvelles du recueil abordent plus frontalement la question maorie, peuple malmené par les colons. On sent sous la plume de l’auteur que la Nouvelle-Zélande n’a pas fini d’assumer ce douloureux héritage. Pour ce pays de contraste, la façon dont sont traités les Maoris constitue un problème. Gordon, le personnage du Premier ministre dans « Montée d’arôme », illustre bien cette difficulté. Il œuvre pour le bien des Maoris à travers des projets de lois, mais la réticence de son gouvernement et la désapprobation de l’opinion publique l’empêchent de mener sa mission à son terme. Le titre sonne comme un avertissement : Gare au feu qui brûle à l’intérieur de ces personnages comme en chacun de nous. Gare au feu, on ne sait jamais de quel côté il va tourner.