Littérature étrangère

Edward Saint-Aubyn

Enfin

illustration
photo libraire

Chronique de Diane Maretheu

Maison d'édition L'Iconoclaste ()

Enfin est le cinquième et dernier tome de la fresque familiale semi-autobiographique du romancier britannique Edward St Aubyn. Après Le Goût de la mère, paru en 2007, quelle meilleure fin pouvait espérer son héros pour se libérer des douleurs familiales, que l’enterrement de sa mère ?

Pour ce cinquième roman, St Aubyn a décidé de tuer la figure maternelle. On retrouve son alter ego, Patrick Melrose, arrivant à l’enterrement de sa propre mère sans s’être occupé du déroulement des événements. En voyage d’affaires à New York au moment des faits, il ne se presse pas pour rentrer en Angleterre, et laisse à son épouse Mary le soin d’organiser les funérailles. Le roman alterne savamment les scènes consacrées à l’enterrement et les flash-back. Ce procédé permet de mieux appréhender le personnage d’Eleanor, mère fantasque ou altruiste, au choix, à l’image de sa grand-tante qui avait légué la fortune familiale aux bonnes œuvres. Eleanor avait, dans le même esprit, décidé de créer une fondation pour les enfants nécessiteux plutôt que d’aider sa sœur ruinée. L’hommage de son amie Annette la montre généreuse à l’excès, envoyant de l’argent à quiconque le lui demandait en invoquant les prétextes plus extravagants. On la découvre ensuite culpabilisée et culpabilisante, regrettant d’avoir fermé les yeux sur les abus de son mari à l’égard de Patrick, mais se posant elle-même en victime des mêmes violences lorsque son fils trouve le courage de lui confier sa souffrance.

La force de l’écriture de St Aubyn réside dans sa capacité à manier différents registres. Il vous horrifie dans la description du souvenir d’une scène de circoncision artisanale par une figure paternelle pour le moins castratrice et brutale, et est également en mesure de vous faire rire dans le même chapitre avec une réplique mordante de Patrick regardant les invités venus pleurer Eleanor. Cet humour so british, qui a la faculté de s’amuser des situations les plus tragiques, donne un souffle plus léger au récit. On peut espérer pour Patrick Melrose une suite. Elle sera sans doute douloureuse, mais salutaire, puisque le personnage est désormais libéré de sa mère. À travers la disparition de cette-ci et l’espèce de catharsis que représente son enterrement, il pourra s’affranchir des épisodes troubles de son enfance et faire la paix avec elle : « Abandonner le monde imaginaire qu’il avait édifié à la place de sa mère le délivrait de ce rêve vain et le plongeait dans un chagrin plus profond. Il était libre d’imaginer à quel point Eleanor avait du être terrifiée, elle qui était pleine de bonnes intentions, d’avoir dû renoncer à son désir de l’aimer, ce dont il ne doutait pas, et d’avoir été forcée de lui transmettre à la place tant d’angoisse et de frayeur. Enfin il pouvait commencer à la pleurer pour ce qu’elle était, pour le personnage tragique qu’elle avait été. »