Littérature étrangère
Toni Morrison
Beloved
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Toni Morrison
Beloved
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jakuta Alikavazovic
Christian Bourgois éditeur
19/10/2023
445 pages, 25 €
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Chronique de
Pauline Régnacq
Librairie Le Failler (Rennes) - ❤ Lu et conseillé par 31 libraire(s)
✒ Pauline Régnacq
(Librairie Le Failler, Rennes)
Beloved, roman qui valut à son autrice Toni Morrison le Pulitzer 1988, bénéficie d’une nouvelle traduction de Jakuta Alikavazovic aux éditions Christian Bourgois. Cette remise en avant bienvenue donne l’occasion aux lecteurs et lectrices de (re)découvrir un véritable chef-d’œuvre de la littérature américaine.
Au 124 de la rue, la maison tremble. Les miroirs se brisent, les meubles se renversent, le plancher gronde. Sethe, qui vit dans ces lieux uniquement accompagnée de sa fille Denver depuis que le reste de sa famille est parti, s’en accommode tant bien que mal. Il faut dire que l’esprit colérique qui hante les lieux n’est autre que le fantôme de son enfant, un bébé assassiné des mains de sa mère dans un contexte d’esclavage. Un jour, pourtant, surgit Beloved. Cette jeune femme troublante porte le prénom de la disparue. Qualifié par Jakuta Alikavazovic dans sa très belle postface de « roman parfait », Beloved est un véritable choc littéraire aux accents gothiques qui nous plonge dans les traumatismes de l’esclavage et les blessures de la communauté afro-américaine. Bien qu’inspirée par une histoire vraie, celle de Margaret Garner – aussi connue sous le pseudonyme de Peggy – qui tua sa fille de ses propres mains, préférant cela à une vie d’esclave, ce roman préfère la fiction aux faits historiques et emprunte tout autant au fantastique qu’au réalisme le plus dur. De flash-back en flash-back, Beloved dresse le portrait de cette héroïne tourmentée qu’est Sethe, ancienne esclave ayant fui la plantation où elle était captive, femme tentant de rester péniblement debout après avoir affronté le pire de l’humanité. En effet, même libre, comment vivre lorsque l’on ne s’est jamais appartenu ? Comment vivre lorsque l’on a préféré ôter la vie de son enfant plutôt que de l’offrir à une vie de souffrance et de servitude ? Comment se pardonner, ensuite ? Poésie et violence se mélangent pour forger un texte dont la puissance nous coupe le souffle et dont les fantômes nous hantent bien longtemps après.