Littérature étrangère

John McGahern

L'Obscur

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photo libraire

Chronique de Pauline Régnacq

Librairie Le Failler (Rennes)

Auteur incontournable en Irlande, John McGahern est bien moins connu en France. Les éditions Sabine Wespieser rééditent ses romans et proposent ici L’Obscur, titre ô combien sulfureux qui déchaîna passions et censures à sa sortie en 1965.

La vie est morne pour le héros de L’Obscur. Adolescent rural étouffé par un quotidien précaire et sans saveur, il ne trouve refuge que dans ses fantasmes vifs et surtout réprimés par une Église catholique omniprésente qui associe la sexualité au péché. Désirant à tout prix fuir cette vie, il oscille entre la volonté de devenir prêtre et celle de poursuivre des études, lui qui est par ailleurs un élève brillant. Cette volonté de fuir n’est pas uniquement muée par la banalité d’un ennuyeux quotidien. Ce récit est surtout l’histoire d’un père violent face à une fratrie qui oscille entre terreur et moquerie, un père ambivalent, abject ou attentif à ses enfants et dont les accès de colère incessants provoquent chez eux terreur mais aussi un sentiment d’ironie cruelle. Les études ou la prêtrise apparaissent alors comme les seules portes de sortie face à la bêtise paternelle et la pauvreté familiale. Sous une pluie qui ne cesse de tomber durant ce roman, par-delà la boue qui l’envahit, la violence se tapit finalement dans tous les coins. Même lorsqu’elle n’est pas directement de la main paternelle, elle est sous-jacente, dissimulée dans l’obscurité. La violence familiale devient alors une violence dans le désir, puissant, incontrôlable et transgressif puisque interdit par la morale catholique. Violence également dans le rapport aux études auxquelles se voue corps et âme, physiquement, notre héros en quête d’émancipation. Violence enfin dans ce qui est tu et qui se déroule lorsque l’obscurité s’installe tout à fait dans les maisons. Balançant sans cesse entre seconde et troisième personne du singulier, ce récit duquel plane un étrange mystère fait écho à nombres de passages de la vie de son auteur. Aujourd’hui culte, il demeure avant tout un puissant objet d’insoumission à la morale religieuse d’alors.