Supposons qu’avant d’embarquer à bord du Pequod, Achab ait été acteur à Londres et qu’il ait dû fuir précipitamment, abandonnant le théâtre pour s’improviser capitaine de navire. Après avoir survécu à son combat contre Moby Dick, il enchaîne les petits boulots à New York pendant que le blanc cachalot sillonne les océans à la recherche de son ennemi juré. À partir de ces hypothèses, l’auteur construit un récit convaincant en utilisant les plis de l’histoire et captive le lecteur grâce à un flux narratif d’une inventivité, d’une intelligence et d’une érudition proprement renversantes, qui n’est pas sans rappeler l’admirable travail de Vila-Matas. Jouant avec les situations et les personnages réels ou fictifs, tels Orson Welles, Don Quichotte et Francis Scott Fitzgerald, multipliant les trouvailles et les traits de génie en faisant preuve d’un humour subtil, Pierre Senges compose une petite musique sublime dont les échos semblent capables de résonner en nous à l’infini.