Littérature étrangère
Paul Auster
4321
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Paul Auster
4321
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gérard Meudal
Actes Sud
03/01/2018
1019 pages, 28 €
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Chronique de
Florence Reyre
Librairie Du côté de chez Gibert (Paris) - ❤ Lu et conseillé par 28 libraire(s)
✒ Florence Reyre
(Librairie Du côté de chez Gibert, Paris)
Un titre énigmatique, un grand nombre de pages, il faut prendre son souffle, s’absorber pour s’apercevoir très vite que l’effort n’est pas si grand, que suivre les destins de Ferguson et en toile de fond l’histoire contemporaine des États-Unis est délectable.
C’est un tour de force, le rêve d’imaginer ce que serait une vie si quelques événements en modifiaient le cours. Donc quatre vies de Ferguson. À chaque fois le même, les mêmes parents, les mêmes origines. La famille de Ferguson a immigré en Amérique au début du xxe siècle. Pauvreté et optimisme pour commencer, violence et âpreté ont suivi. La rencontre des parents de Ferguson et la naissance de leur seul enfant nous font entrer dans le corps du roman. Ensuite, les chapitres se déploient avec différentes péripéties, les parents s’aiment ou divorcent, la famille se transforme, riche ou modeste. Une cousine devient une amie, un oncle un beau-père. On se retrouve dans un kaléidoscope littéraire, l’image de base est toujours la même mais le prisme la déforme en la colorant de diverses et chatoyantes façons. L’histoire se déploie dans toute l’effervescence des années 1960-1970, de la guerre du Vietnam. On peut chercher les points communs des Ferguson. C’est un passionné de littérature. Dès son plus jeune âge, il veut écrire, il est doué et bon élève, sportif, très proche de sa mère, plutôt sympathique. On pourrait choisir de suivre un Ferguson d’un bout à l’autre du livre et d’aller jusqu’au bout de son histoire ou bien simplement se laisser porter par le texte, passer de l’un à l’autre, se demander quelques secondes si ce personnage a le même rôle que dans le chapitre précédent. Tous ces Ferguson, quelque soit leur destin, écrivent. Il y a la merveilleuse histoire d’une paire de chaussures écrite par un très jeune Ferguson, les poèmes traduits par un Ferguson étudiant, amoureux de la littérature française, les critiques de cinéma d’un Ferguson cinéphile, les articles du Ferguson journaliste sportif et encore écolier, les mille et unes production de quatre Ferguson finalement réduit à un. En faisant abstraction des différents destins, on mesure que tout le livre nous raconte la formation d’un écrivain. Cela fait des années que Paul Auster écrit des romans, qu’il varie la forme et le style de son écriture. Il y a d’excellents livres, d’autres moins réussis, de très gros, comme celui-ci, d’autres très brefs, mais jamais, me semble-t-il, il ne nous a laissé nous approcher à ce point de ses secrets de fabrication. On comprend que pour lui un écrivain doit s’imprégner du génie de ses prédécesseurs, la liste des lectures indispensables est vertigineuse, les expériences littéraires multiples, il croit à l’apprentissage laborieux, au travail obstiné jusqu’à obtenir la phrase équilibrée. Il nous livre des traductions de poèmes français dont il cherche à transmettre le rythme. C’est en quittant New York tant aimé pour Paris que l’apprenti devient écrivain et que ce livre prodigieux prendra naissance.