Essais

Gohar Homayounpour

Une psychanalyste à Téhéran

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photo libraire

Chronique de Véronique Mutrel

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Après une formation de psychanalyste aux États-Unis et plusieurs années de pratique de son métier dans ce pays, qu’est-ce qui peut inciter la brillante thérapeute Gohar Homayounpour à retourner exercer sa discipline dans sa ville natale, Téhéran ?

La pratique de la psychanalyse dans l’Iran d’aujourd’hui est-elle possible ? Telle est la question que se pose l’auteure et sur laquelle elle nous amène à nous interroger aussi. Au fil d’une réflexion qu’elle fait partager au plus près, elle énumère les stéréotypes auxquels elle a été confrontée lors de l’ouverture de son cabinet à Téhéran. Il lui a d’abord fallu défaire les préventions culturelles et sociales liées à la construction de l’identité sexuelle. Gohar Homayounpour nous fait partager les premières séances avec ses patients, elle confie sa crainte de ne pouvoir aller au fond des choses, et donc de ne pouvoir accéder à la racine des problèmes que viennent lui confier les hommes et les femmes qui la consultent. Ses appréhensions la renvoient à ses premiers émois littéraires, et tout spécialement au choc qu’elle a éprouvé en découvrant le livre de Milan Kundera L’Insoutenable Légèreté de l’Être, que son père a traduit en persan. À travers l’analyse que l’auteure livre de l’œuvre de Kundera se révèlent aussi les choix qui ont présidé au parcours de cette brillante intellectuelle, marquée par la culture occidentale autant que par celle de son pays. À partir des récits de ses patients, Gohar Homayounpour convoque tour à tour les figures de son père, qui l’a amenée à la philosophie, puis de sa mère trop envahissante dont elle a dû fuir l’emprise pour gagner son indépendance. Sans jamais se mettre en avant, émaillant son propos de multiples exemples de séances, de références à ses professeurs et à ses sources d’inspiration – l’œuvre de Julia Kristeva, par exemple –, on devine en lisant ce livre la richesse intérieure d’une femme pétrie d’humanité, conquérante courageuse d’une liberté intérieure chèrement acquise et dont elle tire sa conviction que le propos psychanalytique est universel.