Littérature étrangère

Jeanette Winterson

La Faille du temps

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photo libraire

Chronique de Julia Lerat

Librairie Le Failler (Rennes)

Jeanette Winterson, romancière britannique féministe au talent monstre, revisite le Conte d’hiver de Shakespeare avec virtuosité. Une fable à la fois sombre et lumineuse, d’une très grande sincérité.

Lancé en 2015 par la maison d’édition Penguin Random House, le « Hogarth Shakespeare Project » réunit sept grands noms de la littérature auxquels l’éditeur a demandé de proposer une réécriture personnelle d’une des œuvres emblématiques du dramaturge anglais. Après la parution en 2018 du Vinegar Girl de l’Américaine Anne Tyler et du Macbeth du Norvégien Jo Nesbø (Phébus et Gallimard), La Faille du temps est le quatrième livre de la collection à être traduit en français, suivant de près la sortie en février de l’Othello de Tracy Chevalier (Phébus). Jeanette Winterson, romancière britannique féministe au talent monstre, s’attaque ici à la réécriture du Conte d’hiver. Au programme : amour, jalousie, paranoïa et trahison. Autant de sentiments universels qui, transposés à notre époque, ne perdent ni de leur aspect tragique, ni des tempêtes qu’ils peuvent déchaîner. Léo, un homme riche et puissant, en est persuadé : sa merveilleuse femme le trompe avec son meilleur ami. Sa paranoïa, véritable venin s’insinuant dans chacune de ses pensées, le poussera à commettre l’irréparable. Dix-huit ans plus tard, des êtres que tout devrait opposer tombent follement amoureux. Réussiront-ils à s’émanciper du lourd fardeau de leur histoire familiale ? Dans Les Oranges ne sont pas les seuls fruits, chef-d’œuvre paru en 1985 (L’Olivier et Points), Jeanette Winterson partageait avec ses lecteurs sa découverte de l’homosexualité dans une famille fondamentaliste religieuse, avec en toile de fond la relation amour/haine entretenue avec sa mère. Trente ans plus tard, la romancière continue d’explorer les rapports complexes au sein de la famille avec la même passion et la même sincérité. Ses personnages nous bouleversent, nous apparaissent familiers et nous laissent, lorsque nous refermons le livre, comme orphelins.