Polar

Carlos Salem

Je reste roi d’Espagne

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photo libraire

Chronique de Christophe Dupuis

Pigiste ()

Décidément, Carlos Salem est un auteur surprenant et talentueux. Avec ce troisième roman, il mêle les ingrédients qui commencent à caractériser son œuvre : folie, émotions et questionnements humains.

Pas facile de résumer un livre de Carlos Salem… Et de toutes façons, l’intérêt n’est pas là. Il s’agit seulement d’en distiller quelques éléments pour vous donner envie de le lire et de le conseiller. Le point de départ est simple : José Maria Arregui – Txema pour les intimes – est appelé auprès du roi d’Espagne qui, habitué à prendre de temps à autre la poudre d’escampette, est cette fois parti en laissant un mot énigmatique : « Je vais chercher le petit garçon. Je reviendrai quand je l’aurai retrouvé. Ou pas. Joyeux Noël. » Mais comme la royale escapade tend à se prolonger, le gouvernement est sur les dents. Noël approche et le roi doit enregistrer son allocution télévisée. Sans nouvelles et incapables de savoir où leur monarque se trouve, les membres du gouvernement font appel à Txema, qui lui a déjà sauvé la vie. Ancien flic devenu détective privé, il cultive son veuvage et ses remords, et commence par refuser la mission. Il finit pourtant par accepter. De cette situation classique, si l’on peut dire, Salem va, une fois de plus, sortir un roman ébouriffant et peu commun. Salem est habile à créer des failles spatio-temporelles, pas de la science-fiction, loin de là, mais des plongées dans une sorte de monde parallèle, moitié fou et poétique. Txema se retrouve à chercher une rivière à traverser pour rejoindre Madrid, croise un voyant qui ne dit que le passé, un chef d’orchestre ayant perdu sa symphonie et bien d’autres personnages encore. C’est beau, émouvant et rythmé, on est par exemple emporté par une course-poursuite impitoyable qui cristallise les peurs et les angoisses. Paco Ignacio Taibo II est aussi de la partie, et on retrouve certains des personnages de ses précédents romans (ceux de Salem, pas de Taibo). En trois livres, Carlos Salem a réussi à construire un monde qui lui est propre et s’affirme comme une plume à part dans le roman noir espagnol.