Littérature étrangère

Zadie Smith

Ceux du Nord-Ouest

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photo libraire

Chronique de Wilfrid Sejeau

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Imaginons une auteure qui découpe le toit des maisons pour regarder ce qui se passe à l’intérieur. Ici, ce n’est pas une maison, mais un quartier de Londres. Le regard n’est pas scientifique, il est empathique. Et la plume aussi fine qu’acérée.

Leah et Natalie se connaissent depuis l’enfance, une histoire d’amitié fondée sur un événement dramatique. Inséparables durant leur adolescence, elles se sont perdues de vue durant quelques années, au gré de rencontres et d’aspirations différentes. Puis elles se retrouvent à l’âge adulte, après leurs études de droit, lorsque chacune est prête à entrer dans la vie active. Seulement, l’une travaille comme aide juridique dans une association caritative où elle côtoie toute la misère du monde, quand l’autre exerce sa profession dans un cabinet d’affaires. Leah a épousé un coiffeur d’origine africaine qui rêve d’ascension sociale. Natalie a fait un beau mariage bourgeois et changé de prénom pour dissimuler ses origines modestes. Les deux femmes se sont-elles vraiment retrouvées ? Leur amitié repose-t-elle sur autre chose que la fidélité au passé ? Le nouveau roman de Zadie Smith décrit par touches successives l’histoire de personnages d’un même quartier. Si l’auteure mélange les époques et aime à retracer la préhistoire des liens qui unissent ses personnages, son livre est marqué par l’unité de lieu : un quartier cosmopolite de Londres où origines et religions se mélangent. D’autres personnages complexes habitent le quartier et le livre, comme Félix, ancien toxicomane sur la voie de la rédemption qui rend visite à son ancienne amante, chanteuse décadente à l’ironie mordante, dans un des passages les plus réussis du livre – en quelques pages tendres, violentes et drôles, Zadie Smith donne à voir les abysses d’une relation amoureuse et l’histoire d’un abandon. L’auteure d’origine jamaïcaine montre, à travers ces différents portraits, combien il est difficile de se soustraire à son passé et au rouleau compresseur du conformisme : « Tout le monde dit les mêmes choses. Tout le monde dit les mêmes choses de la même façon. »