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Essais

Uwe Wittstock

Marseille 1940

✒ Valérie Barbe

(Librairie Au brouillon de culture, Caen)

Après Février 33, L’hiver de la littérature qui vient de paraître en poche, ce nouvel opus d’Uwe Wittstock nous entraîne auprès d’artistes exilés à Marseille, fuyant le nazisme. Parmi eux, Varian Fry, héros discret trop peu resté dans les mémoires.

Uwe Wittstock continue l'exploration de cette sombre période de la vie culturelle et artistique. Marseille 1940 commence en Allemagne où nous assistons à une violente émeute antisémite aux côtés de Varian Fry, journaliste américain, qui est au centre de l'ouvrage. Bouleversé par ce dont il est le témoin, sitôt l'invasion de la France, il va quitter l'Allemagne et, envoyé par son journal américain avide de sources sûres, arriver à Marseille, le plus grand port de la zone libre. Là se retrouvent par milliers des réfugiés, beaucoup d'anonymes mais aussi des grands noms du monde littéraire et artistique. D'Hannah Arendt à Marc Chagall, de Max Ernst à Walter Benjamin, les intellectuels déjà rencontrés dans Février 33 sont là, parmi tous les déplacés, espérant un salut malgré la débâcle et la collaboration du gouvernement de Vichy. La situation de ces écrivains et intellectuels allemands, ennemis du nazisme, réfugiés en France et devant désormais quitter notre pays pour échapper aux troupes allemandes, est quasi désespérée : ils savent que leurs poursuivants ont des listes de personnalités à arrêter et qu’ils n’auront aucune pitié pour eux. À Marseille, des destins vont se sceller, parfois tragiquement, comme celui de Walter Benjamin, et des vies vont se croiser. Fry doit y rester trois semaines, il y séjournera treize mois et deviendra un héros, discret mais essentiel. Ces agissements sont parfois fous : il fait preuve d'un courage incroyable en exfiltrant par la mer ou les Pyrénées des milliers de personnes. Organisant tout un réseau, il sauvera la vie de centaines de personnes. Ce livre, largement documenté, nous plonge dès les premières pages dans la réalité des faits, au gré d'une écriture incisive, vivante, foisonnante, déjà matière du volume précédent. Il serait banal de dire qu'il se lit comme un roman, quoique. Car il nous entraîne d'une manière remarquable dans cette page de l’Histoire grâce à son sens du récit, à la fois émouvant et révoltant. De nombreuses photographies d'époque des exilés émaillent cet essai immersif, nous permettant de mieux apprécier la situation dans laquelle ils se trouvaient et l'atmosphère dans laquelle ils évoluaient. Un ouvrage passionnant à ne pas rater.

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