Bande dessinée

Matthieu Blanchin

Quand vous pensiez que j’étais mort

illustration
photo libraire

Chronique de Margot Engelbach

Librairie La librairie (Clermont-Ferrand)

Avec cette nouvelle bande dessinée autobiographique, Matthieu Blanchin livre un témoignage poignant de son « quotidien dans le coma », consécutif à deux tumeurs au cerveau. Loin d’être évident, ce challenge est réussi, tant au niveau de la description de cette expérience, que dans la transmission des sensations les plus intimes.

En 2002, le jour de l’anniversaire de sa fille Jeanne, Matthieu est soudain pris de violents maux de tête, de vomissements et de pertes de vue qui le mettent à terre. Incapable de bouger, il parvient à appeler sa femme à l’aide avant de perdre connaissance. Quelques heures plus tard, c’est presque mort qu’il atterrit sur une table d’opération, où on va lui ôter une première tumeur au cerveau. Le quotidien que nous décrit l’auteur est très dur : longue hospitalisation, coma, pertes de mémoire, rééducation, traitements, arrêt du dessin, vie de famille bouleversée… avant d’être, quelques années plus tard, touché par une seconde tumeur. Cette bande dessinée est issue d’un processus thérapeutique : alors qu’il n’arrivait plus à dessiner, Matthieu Blanchin a commencé à raconter cette période difficile par l’écriture, se conformant ainsi aux conseils d’un thérapeute un peu original. Et cela fonctionne. Il décrit un processus médical difficile à percevoir pour ceux qui n’ont pas été confrontés à ce type de maladie : symptômes, défilé des médecins, opération, diagnostics variés, thérapeutes plus ou moins compétents et plus ou moins conventionnels, des traitements pas toujours efficaces, effets secondaires… En parallèle, une large place est accordée aux membres de la famille, à leur comportement face à la maladie. Que ce soit sa femme (le passage où elle prend la parole est très intéressant), sa fille de 2 ans dont il a de plus en plus de mal à s’occuper, ou ses parents, en particulier sa mère qui a tendance à infantiliser son fils malade. Il humanise chacun par petites touches. Enfin (c’est ce qui donne toute sa puissance à l’ouvrage), l’auteur nous plonge dans les méandres de ce cerveau qui ne fonctionne plus aussi bien. Le dessin permet de décrire une expérience proche de la science-fiction, où Matthieu se voit « d’en haut », ressent une longue descente aux enfers où son esprit a l’impression d’être prisonnier de son corps, notamment lorsqu’il entend ses proches lui parler et qu’il ne parvient pas à leur répondre. Le dessin, toujours en noir et blanc, est particulièrement expressif lors de ces passages. Le lecteur est touché, ressentant un malaise, une drôle de sensation qui donne le sentiment d’accompagner le protagoniste principal dans cette terrible épreuve, de partager sa souffrance. Et d’être soulagé par sa rémission. Matthieu Blanchin réussit avec brio le passage à la bande dessinée autobiographique, en livrant un témoignage qui touche par sa justesse et sa sincérité.